vendredi 21 décembre 2012

DANS LA PEAU DE RIMBAUD

   Bien le bonsoir. Ce soir, je voulais vous faire partager un exercice d'écriture. Pour ne rien vous cacher, nous travaillions sur Rimbaud en classe et notre professeur nous a proposé une rédaction de type bac pour nous entraîner. L'exercice consistait à nous mettre dans la peau du jeune poète et d'écrire une lettre en pastichant son écriture. Le but était de raconter, en 1881, pourquoi Rimbaud avait renoncé à l'écriture. Nous basant sur sa biographie et les poésies vues en classe, nous nous sommes mis au travail. Et, sans vouloir paraître orgueilleuse, j'étais tellement fière de ma lettre que j'ai voulu la partager avec vous !
   Rimbaud avait pour habitude de joindre un poème aux lettres qu'il écrivait. Alors j'ai décidé de l'imiter en vous proposant un vieux poème que j'avais écris lorsque j'étais en quatrième. J'espère que cela vous plaira.
    La lettre est adressée à Monsieur Théodore de Banville, poète fortement admiré par Rimbaud. Mais, sans plus tarder, voici la lettre !


Harar (Abyssinie), le 26 septembre 1881.
À Monsieur Théodore de Banville.

Cher Maître,
Cela fait bien des années que nous nous sommes vus pour la dernière fois. Vous rappelez-vous de celui que j’étais ? J’ai bien changé - fort heureusement. Je n’écris plus, plus une seule poésie. Pourquoi, me demanderiez-vous ? Pardon, cela me fait rire car la réponse est bien simple, mais j’ai moi-même mis du temps à la comprendre. Vous souvenez-vous pourquoi j’ai commencé à écrire ? Tout comme mes pas me permettaient de fuir ma mère, mes vers me permettaient de m’évader. Enlisé - que dis-je ! - enterré dans la marne de cette bourgeoisie d’hygiénistes, j’avais beau me débattre, je continuais à lentement dépérir. Mon moyen d’évasion, la poésie ! Des vers, des rimes, que j’égrenai dans ma course par milliers. Mes ambitions - folles dames - m’entraînèrent dans leur ronde effrénée. Que c’était étourdissant ! Je larguai les amarres, je me libérai de cette vie ô combien étouffante ! Poésie fade et plate, je la voulais lumineuse… non… objective !
Je m’étais rendu poète, je travaillais à être voyant. Ah, cher Maître, que dire de la vie que je menais ? Les poches crevées, mais la tête ballottée par les rêves, je vivais en bohème, une existence dite de débauche. L’écriture était un long travail qui a nécessité nombre d’expériences dont mon innocence a été le prix à payer. Je me suis adonné, abandonné et j’ai écrit - une folle erreur de ma part, non ?
J’ai aimé, lors de mes années les plus absurdes, un homme à l’intellect séduisant nommé Verlaine - mais vous le saviez déjà, sans doute. Mon existence, déjà malaisée, prit le visage de l’enfer. La souffrance que j’éprouvai fut plus grande encore ! Douleur, douleur, ô douleur atroce ! Mes querelles avec Verlaine se firent graduellement plus violentes, notre vie orageuse, non ! tempétueuse ! Nous vivions, comme lui-même l’avait si bien souligné, “une orgiaque misère” où nous nous permettions tout excès. Quand il me quitta, le monde me sembla soudainement erroné et vide. Mais, quand je tentai de le revoir, il me tira dessus avec un pistolet. La douleur fut effroyable, dans le cœur et dans le corps.
Satan, ô Satan, comme je le suppliai pitoyablement de me laisser la vie sauve ! Je devais écrire, encore ! Par deux fois de nouveau, j’ai noirci des feuillets et des feuillets. Le premier recueil que je composai, je le fis alors que je marchais, vacillant, au bord du gouffre de la mort. Le second… non… bien qu’il suivît l’autre de près, il fut radicalement… différent. Comme si le bonheur avait apposé son empreinte à même mon âme ! Je dois vous sembler exalté, mais cette époque me paraît bien lointaine. Cependant, avec ces poésies, il m’a semblé arriver à une sorte… comment dirai-je ? D’accomplissement ? Orphée avait bien pâle figure à côté de moi !
Toutes ces années, j’ai vécu à travers la poésie, pour elle, rien que pour elle. Désormais, je voulais vivre pour moi. Alors, Anch’io, cher Maître, je voulais être homme d’action ! Pourquoi ce brusque revirement ? Je ne puis plus écrire de poésie. J’avais, au fond de mon âme, une ambition secrète dont je ne vous ai jamais fait part : celle de créer un jour une langue qui m’aurait permis d’exprimer ce que je ressentais. Hélas ! Je ne l’ai jamais trouvée… Alors, oui, j’ai quitté le monde des chimères puisque cette langue n’y était point. Peut-être la trouverai-je ailleurs, dans l’action, loin des terres du Nord. Ici, sur ces terres du Sud dessinées grâce la sueur des hommes, peut-être aurai-je une chance - ne sait-on jamais. J’ai longtemps voyagé, cher Maître, j’ai cheminé à travers mille contrées dont j’ai appris tous les dialectes pour m’en imprégner, les graver à même mon âme et ainsi espérer trouver cette fameuse langue - même si, à mon grand désespoir, je dois vous avouer que ce n’est toujours pas le cas. Cependant, le voyage n’est plus un moyen d’évasion, mais un mode de vie. J’allais partout : Italie, Rotterdam, Alexandrie, Chypre ! Ah, quel cachottier je fais, je ne vous ai pas encore tout dit. Vous risquez d’être fort surpris - et je regrette de ne pas être présent pour rendre compte de l’effet de cette nouvelle - mais, ne voulant plus vivre de poésies, j’ai pris la décision de gagner ma pitance grâce au travail : cette nouvelle expérience m’a beaucoup apporté ! Je m’essayais à la direction de chantiers, au trafic d’armes… Que de palpitantes nouveautés ! 
Mon cher Maître, la poésie m’a longuement guidé, m’a grandement aidé, mais je devais me détacher d’elle avant qu’elle ne me rende fou. Je ne regrette rien. Après tout, comment pourrait-on regretter une vie que l’on a choisie ?

ARTHUR RIMBAUD

   A travers la lettre, je retrace la vie de Rimbaud : ses fugues pour échapper à l'éducation trop stricte de sa mère, sa volonté de devenir “voyant”, son histoire avec Verlaine, Une saison en enfer, les illuminations, ses voyages, son travail… 
   Ensuite, voilà un petit poème que j'avais écrit lors de mes années collèges. 

Un jour, je sortirai
De ce lieu où je t’ai rencontré
Où nos souffles se sont échangés
Où tout s’est achevé

Un jour, tu es venu à moi
Tel un messie comme je le perçois
Dans toutes ces prophéties qu’étaient mes rêves

Un jour, Éros s’est joué de nous
En nous réunissant en cet instant
Cruelle qu’est la Mort

Un jour, l’amitié
A tissé sa toile vicieuse
Pour l’embraser par un baiser

Un jour, j’ai crié
J’ai pleuré
Et même frappé les murs qui m’étouffaient
Quand ils t’ont emmené

Un jour, la lumière
La porte qui grince sur ses gonds
Le son du glas est annoncé
On me saisit, on me traîne, on me secoue
Sonnée par un coup, je vois le monde de rouge se colorer

Un jour, je suis sortie
De cette prison où je t’ai rencontré
Où nos souffles se sont échangés
Où l’échafaud a tout achevé

Maintenant je viens vers toi

Quand les lames pénétreront ma peau
Ne crois pas que je crierai
Je resterai digne et humble
Car je sais que plus loin
En dehors de cette gangue de chair
Tu m’attends
   Je n'ai écrit que très peu de poésies, je ne suis pas spécialement douée. Contrairement aux romans, l'inspiration ne me vient que trèèèès rarement ! Enfin bon, qui puis-je si ce n'est pas ma tasse de thé ?  Je n'ai plus qu'à me concentrer sur mes livres et devenir un bon écrivain !
    
Marine Lafontaine 

1 commentaire:

Siana a dit…

J'adore la lettre !