dimanche 17 février 2013

CHAPITRE 2

Voici le deuxième chapitre de la fiction sur Lizzie et Gilles ! En espérant que cela vous plaise !




Rima trouva Gilles à l’infirmerie en train de s’occuper des blessures de Holly.
-      Gilles ! l’appela-t-elle.
Il ne réagit même pas. Elle s’avança pour poser sa main sur son épaule, mais, avant qu’elle ne puisse y parvenir, il l’avait repoussé d’un revers de main.
-       Ne me touche pas !
Sa voix avait claqué comme un fouet. Blessée, Rima laissa son bras retomber le long de son corps et baissa la tête. Elle sembla hésiter puis se reprit.
-     Laisse-moi m’occuper d’Holly, lança-t-elle.
-     Je ne veux pas que tu l’approches tout autant que tu m’approches, répliqua Gilles.
-     Tu m’en veux toujours… 
-     Et comment je pourrai passer l’éponge ! A moins que tu me donnes les clés, évidemment.
-     Je ne sais pas où elles sont, Gilles, je te l’ai déjà dit !
-     … C’est dommage.
-     Le chef veut que tu t’occupes du déjeuner puis que tu le rejoignes dans son bureau. Ne le fait pas trop attendre, tu le connais… Je vais soigner Holly.
-    
Le jeune homme finit par se décider et allait quitter la pièce quand une main se referma sur son poignet.
-      Holly ! s’alarma le domestique.
La jeune femme, de quelques années son aînée, avait une respiration laborieuse. Elle se redressa sur un coude.
-     A… Arrête, supplia-t-elle, les larmes au bord des yeux. Arrê… Arrête-toi…
Gilles se libéra de son emprise d’un mouvement de poignet brusque. Holly retomba sur les draps, une expression douloureuse sur le visage. Rima observa le jeune garçon qui quittait l’infirmerie d’un pas vif. Elle se mordit la lèvre inférieure.
Et dire qu'elle était la cause de tout… 

 Gilles parvint près des cuisines. Il se laissa aller un moment contre le mur, la tête entre les mains, un sanglot coincé en travers de la gorge. Il resta un moment sans bouger, le temps de retrouver son calme. Il finit par se redresser et repoussa la porte de la cuisine où il trouva Wait, assis sur la table, pomme à la main. Le domestique ne fit pas attention à lui et se dirigea vers l’évier pour se laver les mains. Ensuite, il s’empara du panier où s’entassaient les légumes achetés la veille. Le comte mordit dans son fruit puis balança le reste dans la tête de Gilles. Ce dernier demeura impassible, mais ses doigts se resserrèrent sur le couteau et la carotte qu’il avait en mains.
-     Une fiancée ? cracha son Maître. Tu ne m’avais pas parlé de ça, Gilles. Qu’est-ce qu’elle fiche là ?
-     Je vous avais déjà parlé de sa présence auparavant, Wait. Ladie Elizabeth devait nous rejoindre le mois prochain pour les fiançailles.
-     Pourquoi je dois me marier avec elle ? J’en ai pas la moindre envie !
-     En même temps, vous n’avez pas trop le choix. Vous êtes l’héritier de la famille Phamvarna. Vous devez agrandir votre domaine et votre fortune pour la génération future.
-     Retire cette note sarcastique de ta voix immédiatement, Gilles, gronda Wait. A moins que tu ne veux que je batte Holly devant toi cette fois-ci.
Le domestique pâlit. Il dut s’appuyer sur l’évier pour ne pas tomber. Il avait du mal à respirer.  
-     Si tu savais comme je te hais, articula-t-il péniblement en direction de Wait.
-     Tu es mon domestique, grinça celui-ci. Tu n’as rien à dire. J’ai le droit de vie et de mort sur toi. Je peux te faire tout ce que je veux sans que tu n’aies ton mot à dire. 
Gilles se raidit en sentant une main se poser sur sa hanche. L’haleine du comte chatouillait sa nuque. Elle était chargée d’alcool. Wait finit par se reculer d’un pas en souriant.
-     Ne parle plus à Rima sur ce ton. Tu lui dois le respect, surtout après tout ce qu’elle a fait pour toi.
Gilles lui jeta un regard noir puis se détourna pour couper sa carotte. Quand Wait quitta enfin la pièce, il se mit à respirer plus librement et s’acharna sur le malheureux légume. Il le réduisit en purée et entama profondément la planche à découper. Il bouillait intérieurement. Cette ordure de Wait… 
La porte s’ouvrit de nouveau. Le domestique sentit son sang froid le quitter.
-     Quitte cette cuisine, Wait ! cracha-t-il sans se retourner. Va donc te bourrer et fiche-moi la paix !
-     Hé bien, vous semblez vraiment en mauvais termes avec votre Maître, s’amusa une voix.
Gilles fit volte face. Lizzie lui adressa un petit sourire, ce qui n’était pas le cas de Sanal, outré qu’on ose parler à sa maîtresse sur ce ton.
-     Mi… Miladie ! bafouilla le domestique, dont le visage avait pris une pâleur subite. Vou… Vous ne devriez pas vous trouver là !
-     Pourquoi donc ?
-     C’est… C’est la cuisine ! Un endroit pour les domestiques et… 
Lizzie éclata de rire. Elle prit appuis sur le plan de travail et s’y hissa avec facilité. Les pans de sa robe traînaient dans l’évier.
-     M’amzelle Elizbeth ! s’alarma Sanal. Vot’robe toute neuve !
-     Ce n’est rien, Sanal, l’apaisa la jeune fille d’un sourire.
-     Miladie, l’interrompit Gilles avec un soupir contrarié. Vous avez fait un long voyage. Allez donc vous reposer dans votre chambre jusqu’au déjeuner.
Lizzie l’interrompit d’un geste.
-      Gilles, sourit-elle, je t’aime bien, tu sais. Mais tu t’en tiens beaucoup trop à l’étiquette. J’ai quelques questions à te poser.
-     Comme vous… 
-     Tu !
-     Bien… Comme tu voudras, ladie Eliza…
-     Lizzie ! Je n’aime pas mon prénom. Lizzie est bien plus sympa !
-     Comme tu voudras Lizzie.
-     C’est bien, Gilles ! Alors, premièrement, où sont tes Maîtres et seigneurs ?
Gilles choisit de dire la vérité.
-     Je l’ignore, avoua-t-il dans un haussement d’épaules. Je ne les ais pas revu depuis leur dernière visite, quelques semaines avant l’incendie. Mais ils ne venaient pratiquement jamais au manoir, avant. Alors, ça ne m’alarme pas plus que ça.
-     Oh… D’accord… Deuxièmement ! Qui est Holly par rapport à toi ? Elle a les même yeux que toi.
-     C’est normal, elle est ma sœur aînée.
-     Ta… sœur ?
-     Exact.
-     Qu’est-il arrivé à sa main ?
-    
-     Et le manoir ?
-     Il n’a pas été rénové depuis l’incendie.
-     Et les domestiques ?
La question surprit Gilles. Lizzie était visiblement plus perspicace qu’il ne l’avait cru au premier abord…
-       J’ai déjà répondu à cette question à votre arrivée, fit-il remarquer.
-       Tu n’es qu’un gamin, maigre et sûrement de faible constitution vu ton corps. Comment tu aurais pu survivre et des adultes robustes non ? Ce n’est pas logique !
-       Hum… Ça tient debout. Désolé, mais je ne peux pas répondre à cette question sans rompre un serment.
-       Un serment ?
-       … 
-       Ce n’est pas un sujet que je souhaite aborder.
Il avait passé une main douloureuse sur son bandage. Lizzie ne préféra pas insister, mais des centaines de questions se bousculaient sur sa langue. Le sujet semblait trop sensible pour Gilles… Elle poussa un discret soupir déçu, cependant elle décida de prendre son mal en patience.
Le domestique s’était remis à éplucher des oignons. La jeune fille, elle, demeura assise, le nez en l’air, balançant mollement ses jambes. Elle semblait préoccupée.
-       Qu’avez-vous, Miladie ? finit par l’interroger Gilles après un moment de silence tendu.
-       Hé !
-       Oui, pardon… Qu’as-tu, Lizzie ?
-       Je trouve Wait étrange. Il n’a rien d’un comte !
-       Il n’a pas vraiment reçu l’éducation adéquate, le défendit Gilles.
-       Comment ça ?
-       Mon Maître a très vite été éloigné du domaine familial par ses parents, mes Seigneurs, à cause de tentatives d’assassinats répétées.
-       Ah bon ?
-       Pharmvarna est une… ou plutôt était une maison prestigieuse. Mais depuis que les Maîtres sont partis et l’arrivée intempestive de Wait… 
Il ne put achever sa phrase : la porte venait de s’ouvrir de nouveau sur un Wait furibond !
-       Gilles !
-       Quoi encore ? soupira l’intéressé.
-       Va voir Holly ! Elle n’arrête pas de chialer, c’est insupportable !
Gilles se précipita hors de la cuisine et courut jusqu’à l’infirmerie dont il ouvrit violemment les portes. Il porta une main à sa poitrine, le souffle douloureux. Il avait du mal à reprendre son souffle ! Le spectacle le figea. À quelques mètres de lui, sa sœur hurlait, hystérique, sourde aux tentatives de Rima qui essayait de vainement la calmer.
-       Holly !
La voix du jeune homme était inflexible. Holly arrêta de se débattre et fixa son frère de ses yeux rougis par les larmes.
-       Gi… Gilles… murmura-t-elle.
-       Notre Maître s’est plaint du boucan que tu provoquais. Veux-tu te calmer et cessez de faire honte au blason de la famille ?
Derrière lui, Lizzie, qui l’avait suivi en courant, n’en revenait pas. Derrière elle, l’imposante silhouette de Sanal se découpait. Sa Maîtresse fit un pas en avant, blanche comme un linge.
-       Comment peux-tu parler sur ce ton à ta propre sœur ?! s’indigna-t-elle. Elle a mal et elle pleure !
-       Miladie, je vous prierai de ne pas vous mêler de mes affaires de famille, répliqua Gilles sans se retourner. Elles ne vous concernent en rien.
Il sentit une poussée au niveau des genoux. Lizzie le fit tomber sur le dos et plaça son pied sur sa poitrine.
-       C’est ta sœur ! cracha-t-elle. Tu ne peux pas lui parler ainsi ! Tu ne… 
-       Miladie ! intervint une voix.
Holly s’était redressée difficilement. Ses jambes tremblaient, mais elle refusa l’aide de Rima. Elle s’inclina devant une Lizzie hébétée. 
-       Veuillez accepter mes plus plates excuses pour mon attitude déplacée, la pria-t-elle. J’aurai dû savoir me tenir en votre présence !
-       Mais… s’étrangla Lizzie.
-       Pourriez-vous relâcher mon frère, s’il vous plaît ? Il possède quelques séquelles de l’incendie et vous comprimez ses poumons… 
Lizzie enleva tout de suite son pied. Gilles, exsangue, commença par tousser, puis se redressa sur un coude. Rima le remit sur pied. Lizzie nota avec attention le regard tendre de la jeune fille sur Gilles et la façon dont elle lui prenait la main pour le relever. Quelles relations entretenaient-ils  ?
Gilles reprenait difficilement sa respiration. Il finit par se détacher de Rima et s’avança vers sa sœur dont il prit la main.
-       Viens, Holly, l’invita-t-il doucement. Nous allons voir Green et Black.
-       Green ? Black ?
-       Oui, Green et Black, c’est le surnom qu’on leur a donné, tu te souviens ?
-       Mais et le manoir ? Les Maîtres devaient venir à la maison !
-       Ils ont annulé, Holly. Allez, viens…
-       D’accord… 
Elle sembla s’apercevoir brusquement de la présence de Rima et Lizzie. Cette dernière commençait sérieusement à se demander dans quel monde elle avait atterri. Holly parut surprise et se tourna vers son benjamin. 
-       Tu ne m’avais pas dit que nous avions une invitée, Gilles ! Où sont passées tes bonnes manières ?
Celui-ci ne répliqua pas. Holly s’avança vers Lizzie et s’inclina respectueusement devant elle.
-       Miladie, bienvenue au manoir Phamvarna ! Auriez-vous faim ?
-       Hé bien, je… bafouilla Lizzie.
-       On vous a désigné votre chambre ? Gilles ! enchaîna-t-elle à toute allure. Conduit Miladie à sa chambre pendant que je prépare le déjeuner !
-       Sanal, aide-la, se reprit Lizzie en se tournant vers son serviteur.
-       Merci, Miladie, sourit Holly.
-       Veuillez me suivre, l’invita Gilles. 
Lizzie tâcha de dissimuler le tremblement de ses mains. Elle suivit le garçon dans les couloirs. Quand il poussa les portes de sa chambre, elle crut pénétrer un autre univers, cette fois-ci encore. La pièce était impeccable ! Pas de poussière, pas de cafard, pas de trace de feu… Rien ! Une chambre magnifique avec un lit à baldaquin, de beaux meubles en acajou, de lourds rideaux en velours et autres somptuosités !
-       En quelques mois, je n’ai pas eu le temps de restaurer entièrement le manoir, expliqua Gilles en avisant son air stupéfait. Tout du moins, j’ai réussi à restaurer quelques pièces.
-       Pourquoi n’engages-tu pas de maçons ?
-       Phamvarna deviendrait la risée du comté si sa situation s’ébruitait. Le temps que Mr le Comte Wait soit éduqué, je préfère que rien ne se sache.
-       Gilles…
-       C’est aussi pour ça que j’avais demandé à vos parents plus de temps… ce qu’ils ont refusé.
-       Gilles, tu as quoi ? Treize, quatorze ans ?
-       Quatorze, tout comme Rima. Wait en a seize et ses amis… Je ne me souviens plus. Holly va en avoir vingt et un bientôt.
-       Quatorze ans ! À quatorze ans, tu ne peux pas porter ce fardeau tout seul ! Tu es bien trop jeune ! 
-       Je n’ai pas le choix. Holly est malade. Wait est un idiot orgueilleux, mais il n’est pas aussi mauvais qu’il n’y paraît. Ma sœur a le droit à des soins coûteux. Si je partais, je ne pourrais plus les payer et le blason Phamvarna serait souillé à jamais. Wait ne peut pas gérer tout seul cette fortune. Il a besoin de moi.
-       Parce que toi, tu sais t’y prendre peut-être ?
-       Mieux que lui, en tout cas.
-       Et les Green et Black ?
-       Quoi ?
-       Green et Black ? Où sont-ils ? Qui sont-ils ?
-       … Je crois que vous en savez beaucoup pour une première journée.
-       Moi je t’aiderai !
Gilles fronça les sourcils. Il ouvrit la bouche, mais rien ne sortit.
-       Venez vivre au manoir avec votre famille ! reprit Lizzie. Je réussirai à convaincre mes parents de vous prendre à leur service !
-       Je suis à celui de la famille Phamvarna, pas à celui des Nemurine. Je refuse d’abandonner mon poste !
-       C’est idiot ! Cette famille est fichue ! Ça ne sert à rien de se battre pour elle !
-       Cette famille sera la vôtre dans moins d’un mois, Ladie Elizabeth, rappela sèchement Gilles. Vous allez vous marier avec le Comte Wait.
-       Et si je refuse ?
-       Vos parents ne vous le permettrez pas.
-       Ce mariage est juste un prétexte pour redorer le blason de votre famille ! Wait et moi sommes trop jeunes pour nous marier ! Nous ne saurons pas diriger le duché de nos deux familles réunies !
-       C’est pour ça que je suis là.
-       Tu as le même âge que moi !
-       Oui, mais contrairement à vous, Miladie, je n’ai pas peur de l’avenir. Sur ce, veuillez m’excuser, mais mon Maître m’attend.
Avant qu’elle ne puisse le retenir, il était parti à vive allure. Lizzie, furieuse, ramassa un coussin qu’elle lança contre les portes closes. Elle se mit à faire les cent pas dans sa chambre. Gilles lui cachait quelque chose, c’était clair ! Depuis son arrivée ici, quelques heures plus tôt, il ne cessait de lui mentir ! Qu’est-ce qui pouvait le rattacher à ce manoir ? Qu’était-il arrivé à son œil gauche ? Où était Green et Black ? Qui étaient en réalité Wait, Rima et les deux autres ? Que cachait l’incendie du manoir ? Tant de questions demeuraient sans réponses, mais Lizzie était déterminée à résoudre chacune d’entre elle. 

Chapitre trois à venir tantôt ! A bientôt !

Marine Lafontaine 

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