La sonnette émit un son particulièrement
désagréable aux oreilles de Cinaed à cette heure encore matinale. Il grogna
comme un ours avant de rabattre sa couette sur la tête. Allongé à ses côtés,
encore à moitié endormi, Ael ouvrit un œil.
-
Tu attends
quelqu’un ? demanda-t-il.
-
Non,
grommela dessinateur. C’est mon jour de congé, aujourd’hui, qu’on me foute la
paix.
Ael esquissa un sourire et passa une main tendre
dans les cheveux ébouriffés de son amant. Ce dernier apprécia la caresse
quelques instants avant de prendre Ael dans ses bras et de caler sa tête sur
son torse. L’ex-agent se laissa aller entre ses bras protecteurs, mais la
sonnette continuait toujours de retentir.
-
Je crois
que ton visiteur insiste, fit-il remarquer.
-
Oublie-le.
-
Ce n’est
pas bien raisonnable, ça…
-
M’en fiche,
‘veux rester au lit, comme ça…
Trente secondes plus tard…
-
Mais c’est
qui cet abruti qui s’acharne sur la sonnette ?!
Exaspéré, Cinaed quitta rapidement la chaleur des
draps, décider à enguirlander celui ou celle ou ceux qui osai(en)t gâcher son
jour de congé ! Ael poussa un soupir et se décida à sortir du lit à son
tour. Il s’habilla d’un tee-shirt qui traînait et d’un boxer avant de gagner la
cuisine pour faire du café.
-
C’était
qui, Cin’ ? demanda-t-il quand il entendit la porte claquer.
-
Ael… gronda
son amant. Qu’est-ce qu’ils foutent là ?
L’intéressé se retourna… et reçut deux
monstres dans les bras !
-
Julie !
Gof ! s’exclama-t-il.
-
Ael, tonton
Cinaed fait peuuuuur ! gémit le garçonnet.
-
Mais
qu’est-ce que vous faites là ? n’en revenait pas le jeune homme.
-
‘Voulais te
voir ! répondit Julie, un large sourire sur le visage. T’es content,
hein ?
-
Bien sûr,
toujours, mais…
-
On peut
savoir comment vous êtes venus ici ? soupira Cinaed qui sentait un mal de
tête poindre le bout de son nez.
-
Lizzie nous
a conduits ! annonça fièrement Gof.
“Alors elle, si je l’attrape… !” se promit le
jumeau de Gabrielle.
-
Vous avez
mangé, au moins ? voulut savoir Ael en fronçant les sourcils.
-
Non !
répondirent les deux monstres en chœur.
-
Je
vois… Des céréales, ça vous tente ?
-
Oh,
oui !
-
On devrait
avoir ça, allez vous asseoir dans le salon…
Les enfants obéirent dans la joie et la bonne humeur.
Cinaed poussa un grognement très évocateur.
-
On ne va
pas les garder toute la journée, si tu ne veux pas, lui assura Ael. Mais on ne
va pas les renvoyer comme ça, le ventre vide. Après, on pourra les ramener.
-
J’espère
bien, je veux une journée tranquille, que diable !
Ael consulta sa montre rapidement (celle que lui
avait prêtée Lydéric et qu’il n’avait toujours pas rendue) et grimaça.
-
Je suis
désolé, Cin’, mais j’ai un truc urgent à faire, tu veux bien t’occuper
d’eux ?
-
Tu
m’abandonnes ?! s’indigna le jumeau de Gabrielle.
-
Juste la
matinée, je reviens après.
-
Mais…
-
Je dois me
dépêcher, je vais être en retard !
Il passa en coup de vent dans la chambre pour
s’habiller. N’ayant aucun vêtement à lui, il dû piocher dans l’armoire de son
amant. Tout en enfilant un pull, il revint dans la cuisine pour boire une tasse
de café. Cinaed l’observa faire sans rien dire.
-
Où tu
vas ? finit-il par demander.
-
A un
entretien d’embauche, répondit Ael.
-
Tu n’es pas
obligé de travailler, mon salaire est suffisant pour deux.
-
Je sais.
-
Alors,
pourquoi ?
Ael sembla réfléchir à la question. Finalement, il
indiqua d’un simple haussement d’épaules qu’il n’y avait pas réellement pensé.
Il alla embrasser les deux enfants qui s’étaient installés devant un épisode
des Totally Spies puis gagna l’entrée
pour se chausser. Une fois qu’il fut prêt, il se tourna vers son amant.
-
Je serai
revenu pour manger, lui annonça-t-il.
-
D’accord.
Bonne chance.
-
Merci.
Cinaed lui donna un chaste baiser en guise d’au
revoir, mais refusa de défaire son étreinte. Il garda encore un moment son
amant dans ses bras.
-
Cin’, je
dois y aller, murmura Ael.
-
Encore un
instant.
-
Je reviens
vite, arrête de t’en faire.
-
Promis ?
-
Mais oui,
mais oui, allez, je vais vraiment être en retard, là…
Cinaed le relâcha à contrecœur. Amusé par
sa mine boudeuse, Ael attrapa son visage entre ses doigts pour l’embrasser avec
toute la tendresse qu’il ressentait. Le dessinateur demeura immobile, yeux
clos.
-
Je t’aime,
lui murmura l’ex-agent. Autant qu’il y a six ans…
Ael passa la porte. Cinaed poussa un
soupir et se frotta l’arrière du crâne d’une main ennuyée, encore troublé par
cet aveu, ne pouvant s’empêcher de sourire bêtement. En entendant les rires de
deux enfants dans le salon, il se reprit. Le plus dur restait à venir…
-
Le premier
qui utilise ses pouvoirs ici, je lui montre le mien !
Ael avait menti. Le cœur serré à cette idée, il
demeura debout quand le métro se mit en branle. Il fixait sans les voir les
gens qui se pressaient ce matin-là dans l’espace étroit de la rame. Il pouvait
sentir leur chaleur, il pouvait entendre leurs rires ou leurs chuchotements,
mais c’est comme s’il ne faisait pas partie de leur monde.
Il avait menti. Ses doigts se resserrèrent sur la
barre à laquelle il était accroché pour ne pas tomber. A quoi bon chercher un
travail ? Il était un temps où il aurait tout donné pour un métier qu’il
aime. Après avoir déménagé, il avait intégré un lycée français où il s’en était
très bien sorti puis il avait été accepté dans une école préparatoire, mais qu’il
n’avait jamais achevée. A cette époque, il avait cessé d’attendre un signe de
Cinaed et tentait désespérément de l’oublier. Il avait eu quelques amourettes,
mais jamais rien de bien sérieux, jamais quelque chose qui le remuait, qui le
faisait vibrer. Il s’était tourné vers les études pour échapper à la solitude
glacée qui habitait son cœur.
Puis, un soir, alors qu’il sortait des cours, il y
avait eu cette rencontre magique, exceptionnelle.
Et il s’était retrouvé dans la brigade.
Ael descendit à sa station. Quelle
mâtinée pourrie… Son entretien avec la police, une demi-heure plus tôt,
lui avait donné envie de pleurer. Rien, encore et toujours aucun signe de vie
malgré les avis de recherche diffusés à travers la France.
Où était-il… ?
Son regard s’assombrit. Et le reste de la
matinée s’annonçait tout aussi désastreux…
Cinq minutes de marche plus tard, il
pénétrait dans le hall de l’hôpital. Lizzie l’attendait dans la chambre de
Gabrielle, nerveuse.
-
Ils sont
déjà arrivés ? lui demanda-t-il.
-
Ils sont en
train de discuter avec le médecin.
Le jeune homme glissa la main dans sa poche et
caressa la crosse de son revolver. Ses doigts tremblaient… Il remarqua
alors le regard inquiet de Lizzie et lui offrit un petit sourire crispé.
-
Ne t’en
fais pas…
-
Cinaed
n’est pas venu ?
-
Je ne lui
ai rien dit.
-
Mais, ce
qui est en train de se jouer, c’est… !
-
Je sais…
La porte s’ouvrit sur trois personnes. Ael et
Lizzie se levèrent, terriblement nerveux. Le médecin s’avança, l’air
extrêmement ennuyé.
-
Monsieur
Duncin, mademoiselle Ymay…
-
Docteur, le
saluèrent poliment les deux visiteurs.
Ael se tourna vers le couple qui était entré avec
le médecin. Une femme au dos courbé par la fatalité, au visage émacié par les
regrets et un homme à la face ravagée.
Ravagée par des flammes haineuses qui
avaient rugi six ans plus tôt.
Les parents Helldi.
Tous trois échangèrent des regards froids
et lourds. Puis le père de Gabrielle se tourna vers Lizzie, un sourcil haussé.
-
Je peux
savoir ce qu’une négresse fait auprès de ma fille, Duncin ? grinça-t-il.
-
Quelle est
votre décision ? répliqua calmement Ael.
La mère s’était assise près de sa fille dont elle
tenait la main.
-
Ça ne peut
plus durer, murmura-t-elle. Les médecins sont formels, Ael. Elle ne se
réveillera pas.
-
Nous allons
la débrancher, conclut le père.
Les deux parents échangèrent un regard où
transparaissait toute leur douleur. Ael ferma les yeux alors que son cœur se
serrait à lui en faire mal.
-
Vous vous
foutez de moi ?! hurla Lizzie. Vous ne pouvez pas faire ça à votre fille !
-
Ça ne sert
plus à rien ! cria madame Helldi alors qu’elle enfouissait son visage dans
la main de Gabrielle. A quoi bon attendre ?! Cet espoir me tue, je n’en
peux plus ! Cela suffit !
-
Vous ne
pouvez pas ! Vous n’en avez pas le droit ! Gabrielle reviendra !
C’est une battante, une battante, vous entendez ?!
-
Vous ne
croyez que ce n’est pas déjà assez dur comme ça ? répliqua monsieur Helldi
d’un ton glacial. Vous croyez que l’on n’aime pas notre fille ?
-
Vous avez
bien rejeté votre fils !
-
Vas-tu te
taire, insolente ?!
-
Monsieur
Helldi, baissez ce bras ! lui cria Ael.
Il voulut s’approcher de Lizzie, mais cette
dernière le repoussa. Alors que la tristesse et la rage déformaient ses traits,
elle se pencha sur Gabrielle à qui elle vola un baiser débordant de passion et
de colère.
-
Moi, j’aime
votre fille ! hurla Lizzie alors qu’elle se redressait.
-
Pourquoi la
corrompre elle aussi ? gémit le père de Gabrielle, tremblant de rage. Ce
monstre m’a déjà pris mon fils, faut-il que vous preniez aussi ma fille ?
Ledit
monstre ne baissa pas les yeux. Il prit Lizzie par les épaules, doucement, mais
fermement, et l’obligea à reculer.
-
Après tout,
ce n’est pas comme si nous allions les laisser faire, chuchota-t-il au creux de
son oreille.
La
jeune femme sursauta et leva les yeux sur Ael qui lui souriait tranquillement.
Elle leva alors ses mains à hauteur d’yeux. Ces mains qui avaient déjà causé
tant de ravages, qui avaient transformé Azela en tueuse, qui avaient réduit son
foyer en lambeaux… Pourraient-elles sauver la personne qu’elle
aimait ? Elle vit à peine le garçon sortir de sa poche son revolver. Ce
furent les cris qui la tirèrent de ses pensées. Ceux des Helldi, ceux du
médecin.
-
Sortez tous
de cette chambre, ordonna l’ex-agent d’un ton incroyablement froid. Le premier
qui essaie de débrancher Gabrielle se retrouvera avec du plomb dans le corps,
suis-je assez clair ?
-
Vous
n’oseriez pas, répliqua crânement le père de Cinaed d’une voix pourtant
tremblante.
-
Ne me
donnez pas une raison supplémentaire de vouloir vous descendre, monsieur
Helldi, sourit doucereusement Ael. Sortez !
Ils
furent forcés d’obéir. Ael bloqua la porte dès qu’il ne resta plus que Lizzie
et lui dans la pièce. La jeune femme s’assit sur le lit de Gabrielle, les
jambes sciées par l’émotion.
-
Que va-t-on
faire, maintenant ? murmura-t-elle.
-
Tu es la
dirigeante de l’anti-brigade, Lizzie, répliqua Ael. Tu as les moyens d’agir,
non ?
-
Que veux-tu
dire ?
L’ex-agent
rangea son revolver dans son manteau. Lizzie fronça les sourcils.
-
Qu’est-ce
que tu faisais avec un revolver ? le questionna-t-elle.
-
Une mesure
de sécurité, rien de plus, répondit le jeune homme. Cela fait trois ans
maintenant que j’ai toujours une arme sur moi, une habitude.
-
…
-
Il va
falloir que l’on sorte. La police devrait débarquer d’un moment à l’autre, nous
ne pouvons pas rester ici.
-
Et comment
on s’échappe, gros malin ?
-
Je te l’ai
dit, Lizzie. Tu es la dirigeante de l’anti-brigade. Rien n’est un problème pour
toi, non ?
Nathanaël avait repris le volant de bonne
heure. Il aimait rouler, cela lui procurait une impression de liberté. Sur le
siège à côté de lui, Azela ne cessait d’admirer sa bague. Elle s’était pâmée
longuement dans le rétroviseur le matin même, heureuse à n’en plus finir.
-
J’ai hâte
qu’on annonce la nouvelle, soupira-t-elle une énième fois.
-
Et moi
donc ! s’enthousiasma Nathanaël. Qui sait, ça pourrait donner des idées à
Cinaed !
-
C’est bien
vrai !
Le visage d’Azela s’assombrit alors légèrement et
elle se rencogna dans son siège. Surpris par sa saute d’humeur, Nathanaël lui
jeta un coup d’œil inquiet.
-
Ça ne va
pas ?
-
C’est juste
que… Ça doit être dur, pour Lizzie.
-
A cause de
Gabrielle ?
-
Oui… Et
elle est la dirigeante de l’anti-brigade. Cette charge lui pèse tant.
-
Ne t’en
fais pas pour ça, tout sera bientôt terminé. Elle nous l’a promis,
souviens-toi. Plus de brigade, plus d’anti-brigade… Juste nous.
-
Oui, c’est
vrai… Ce sera bien, n’est-ce pas ?
-
Ça, ça ne
tient qu’à nous !
Nathanaël
se pencha pour baiser rapidement les cheveux de son aimée avant de se
concentrer sur la route. Azela alluma la radio qui crachota une musique
dansante. Ravie, elle se trémoussa sur son siège sous le regard à la fois
désespéré et amusé de son amant.
-
Tu es
irrécupérable, souffla-t-il.
-
Je
sais !
Nathanaël
allait répliquer quand un bruit sourd attira son attention. Azela, sans perdre
un instant, bondit de son siège.
-
Qui est
là ? appela-t-elle.
Personne
ne lui répondit, mais, dans la semi-pénombre de la caravane, elle devina une
petite forme recroquevillée sur elle-même vers laquelle elle s’avança alors.
Son fiancé, après avoir garé leur véhicule sur le bas-côté et allumé les feux
de détresse, rejoignit sa petite amie.
-
Tout va
bien ? lui demanda-t-il.
Il la
trouva accroupie près du lit sous lequel semblait s’être réfugiée une forme
humaine. La petite fille de Nestor se redressa, l’air ahurie.
-
C’est un
enfant.
-
Un
enfant ? répéta bêtement le jeune homme.
-
Ouais, un
gosse, un tout jeune. Viens, petit, l’invita-t-elle gentiment en tendant une
main rassurante. On ne te fera aucun mal, tu n’as pas à t’en faire.
A
force de paroles rassurantes et de propositions alléchantes, ils finirent par
faire sortir l’enfant de sa cachette qui put, comme promis, dévorer une part de
tarte de la veille, installé confortablement sur les genoux de Nathanaël pour
qui il s’était soudainement pris d’affection. Azela attendit qu’il eût englouti
la pâtisserie pour le questionner.
-
Comment
t’appelles-tu, bonhomme ?
-
Antoine, et
j’ai cinq ans, clama l’intéressé en brandissant sa main, secouant ses cinq
doigts tendus sous le nez de la jeune femme.
-
Moi, c’est
Azela et lui, Nathnaël. Dis-moi, Antoine, comment t’es-tu retrouvé dans la
caravane ?
Le
visage du garçonnet se ferma à cette question. Nathanaël, contre ce silence
obstiné, saisit Antoine sous les aisselles pour le retourner et lui faire face.
-
Tu ne veux
pas nous le dire ?
-
Papa m’a
dit que j’avais pas le droit, murmura Antoine.
-
Où est ton
papa, petit cœur ?
-
Je sais
pas…
-
Quelle
honte ! clama Azela. Laisser un pauvre gosse tout seul ! C’est
totalement irresponsable, indigne d’un père !
-
C’est pas
sa faute ! protesta vivement le garçonnet, visiblement soucieux de
défendre son père.
Nathanaël
eut un tendre sourire et déposa un baiser sur le sommet du crâne d’Antoine
-
Tu as
sûrement raison, on ne remet pas en cause ton père, ne t’en fais pas.
-
Que
fait-on ? questionna Azela. Le mieux serait de le déposer au prochain
poste de police, tu ne crois pas ?
-
Je ne pense
pas que cela arrangerait les choses… Un gamin avec un pouvoir, Dieu seul
sait ce qu’ils en feront !
-
Un pouvoir ?
répéta sa fiancée, surprise.
-
Comment
crois-tu qu’il ait débarqué dans la caravane alors qu’on roulait à près de cent
trente kilomètres heure sur l’autoroute ?
-
Ce n’est
pas vrai ! s’empressa de le contredire Antoine.
-
Ne t’en
fais pas, bonhomme, Azela et moi possédons aussi un pouvoir. Tu n’as pas besoin
de nous le cacher.
-
… C’est
vrai ?
-
Promis,
juré !
Un
large sourire fendit le visage d’Antoine.
-
Emmenons-le
à Lizzie, décida Azela. De là, on trouvera bien un moyen de contacter ses
parents.
Greuz
surveillait Julie et Gof qui écoutaient une histoire lue par Siméon. Attendri,
le mastodonte se laissa aller à la rêverie, mais la sonnerie de son téléphone
le refit brutalement chuter sur terre. Il fouilla ses poches alors que les
enfants lui lançaient un regard mauvais, mécontents qu’on interrompe leur
moment lecture. Greuz s’excusa d’une grimace et s’isola pour décrocher.
-
Allô ?
-
Greuz,
c’est Lizbeth. J’ai besoin de ton aide.
Cinaed
consulta sa montre une nouvelle fois, sourcils froncés. Il était près de
quatorze heures, mais que faisait Ael ? Il lui avait pourtant promis de
revenir pour le déjeuner ! Il grogna, mécontent, et attrapa son portable
avant de se rappeler que son amant n’en avait pas. Où son entretien pouvait-il
bien se dérouler ? Peut-être que Lydéric aurait une idée. Il s’apprêtait à
sortir quand son téléphone sonna.
-
Allô ?
-
Ael, j’ai
une bonne nouvelle ! Je l’ai enfin r…
-
Qui
êtes-vous ?
La
voix était féminine avec un semblant de familiarité. Où l’avait-il déjà
entendu ? A l’autre bout du fil, il devina l’hésitation de son
interlocutrice.
-
Est-ce
qu’Ael est ici ? finit-elle par demander.
-
Non, il est
absent, répliqua Cinaed qui commençait à s’irriter. Qui êtes-vous et que lui
voulez-vous ?
-
… Dites-lui
qu’Anaïs Arra a appelé. Il faut qu’il me contacte au plus vite, c’est
extrêmement urgent.
-
Attend… !
Merde, elle a raccroché ! Qu’est-ce qu’elle lui voulait ?
Quand
Greuz arriva dans le hall de l’hôpital, il ne fut guère surpris par la grande
quantité d’agents de police qui occupaient les lieux. Le mastodonte poussa un
soupir découragé alors que Julie observait autour d’elle avec intérêt.
-
Et que
sommes-nous censés faire, maintenant ? murmura Edda d’une voix peu
assurée.
Lizzie,
après délibération avec Ael et Greuz, avait autorisé qu’on relâche Edda,
jugeant que ses capacités en informatique seraient précieuses. Et puis elle
pourrait veiller sur Julie quand celle-ci userait de son pouvoir.
Greuz,
de son côté, était tremblant rien qu’à l’idée de faire de nouveau usage de son
pouvoir. Il avait refusé de s’en servir depuis qu’il avait plongé Gabrielle
dans le coma. Mais, si c’était pour la sauver, il était prêt à tout. La jeune
italienne lui offrit un sourire
crispé.
-
Bon, et si
on y allait ?
Il
régnait dans la chambre un silence tendu. Lizzie faisait les cent pas, peu sûre
de la tournure des évènements. Tout ce qu’elle voulait, c’était que Gabrielle
survive, mais s’ils échouaient maintenant… Elle ne pourrait se le
permettre. Ael, lui, s’était assis sur une chaise, son revolver à portée de
main, prêt à faire feu au moindre problème. Ses doigts pianotaient nerveusement
sur l’accoudoir en plastique. Agacée par son attitude tendue et ce silence
électrique, Lizzie finit par prendre la parole :
-
Tu ne m’as
toujours pas dit pourquoi tu étais entré dans la brigade.
Les
doigts d’Ael cessèrent tout mouvement. Hésitant, il finit par se lever pour
marcher jusqu’à la fenêtre. Lizzie, se doutant qu’il ne lui répondrait pas,
choisit de ne pas insister, mais la voix de son ami s’éleva soudain.
-
J’avais
besoin du pouvoir d’Anaïs Arra. Elle a accepté de m’aider si en échange
j’entrais dans la brigade.
-
Si je me
souviens bien, Arra peut visualiser les gens à distance ainsi que les espaces,
c’est bien cela ?
-
Oui…
-
Pourquoi
avais-tu besoin d’un tel pouvoir à ta disposition ?
-
C’est… Je…
Un
soupir rauque souleva la poitrine d’Ael. Quand il reprit la parole, Lizzie
pouvait sentir dans sa voix une tristesse profonde, ancrée à même son âme.
-
J’ai un
enfant, Lizzie.
La
jeune femme écarquilla les yeux. Pourquoi… une telle peine ? Un
enfant n’était-il pas une chose merveilleuse ? Elle ne fit aucune
remarque, attendant simplement qu’Ael se décide à parler. Ce dernier se tourna
vers elle, un sourire amer sur les lèvres.
-
Il n’est
pas de mon sang, mais je l’aime comme un fou. Je l’ai trouvé alors que je
faisais des recherches sur vous auprès de réseaux plutôt louches. A l’époque,
j’espérais encore avoir la possibilité de remonter jusqu’à vous
tous… Mais…
Il
prit une goulée d’air bienvenue, la poitrine soudainement lourde sur ses
poumons. Il était tremblant, au bord des larmes.
-
C’est sur
lui que je suis tombé. Un tout petit être, tu aurais dû le voir. Je l’ai trouvé
dans la rue, un soir de printemps. Né prématurément, les médecins ne lui
donnaient aucune chance de survie. Mais il s’est battu, le petit bonhomme. Il a
survécu. Il n’avait aucune famille, alors je l’ai adopté. Malheureusement, je
n’étais pas au bout de mes peines parce qu’il a développé à une vitesse
fulgurante un don de téléportation complètement hors de contrôle.
Lizzie
fronça les sourcils, voyant peu à peu où Ael venait en venir.
-
Alors, pour
le retrouver, tu as fait appel à Arra, déduisit-elle doucement.
-
Je n’avais
pas d’autre choix. Tu imagines, un bébé qui dort dans son berceau et qui,
l’instant d’après, se retrouve à des kilomètres de là ? Je n’osais jamais
le quitter du regard ! Alors, Arra m’a proposé un deal et j’ai accepté.
Grâce à la brigade, nous avons pu plus ou moins lui apprendre à canaliser et
maîtriser son pouvoir…
Ael
baissa les yeux, la gorge nouée, les poings crispés alors que ses ongles
s’enfonçaient dans la chair tendre de ses paumes. Lizzie sentit son chagrin
l’étreindre à son tour, un chagrin qui la faisait suffoquer. Elle se leva,
n’osant le prendre dans ses bras de peur que son pouvoir ne frappe encore.
Voyant ses gestes hésitants, Ael ne put s’empêcher de sourire, touché par sa
tendresse maladroite.
-
Merci,
Lizzie, mais ça va aller… C’est juste que… qu’il a disparu, il y a
près de trois semaines et que Madame Arra n’a pas réussi à le localiser depuis.
Il n’a que cinq ans, je suis si inquiet…
-
Ael… Pourquoi
ne nous en as-tu pas parlé ? Nous aurions pu t’aider, tu le sais !
Alors…
-
Et comment
aurait réagi Cinaed, à ton avis ? répliqua le jeune homme avec amertume.
Il ne supporte pas Julie et Gof qui sont pourtant adorables. Il ne m’acceptera
jamais avec un enfant…
-
… Je
te pensais plus intelligent que ça.
-
Pardon ?
-
Ael,
réfléchis deux secondes. Cinaed t’aime, il acceptera l’enfant, arrête de t’en
faire. Je t’en donne ma parole.
-
Je ne demande
qu’à te croire, mais tu crois vraiment que…
-
J’en suis
absolument certaine, lui sourit Lizzie. Et compte sur moi, nous allons le
retrouver ! J’ai hâte de le rencontrer.
Ael
sentit une douce chaleur envahir sa poitrine. Pour la première fois depuis trois
semaines, il se détendit réellement. Il allait remercier Lizzie quand une
ondulation dans l’air les figea. Lizzie, aussitôt sur ses gardes, recula
jusqu’au lit de Gabrielle, prêt à la défendre au péril de sa vie. Ael, lui, eut
un sourire.
-
Tout va bien,
lui assura-t-il. Julie entre en action.
L’eau
en suspension était une œuvre artistique à elle seule. Les éclaboussures
accrochaient les rayons du soleil, gouttelettes scintillantes dans
l’atmosphère. Le liquide s’écrasait au fond de l’évier en un tube de glace et
se répandait en une large fleur translucide au fond de la porcelaine. Edda
s’ébroua et se tourna vers Julie qui se baladait gaiement entre les gens du
hall, statufiés grâce à son pouvoir. Quelle magnifique maîtrise ! Elle
manipulait son pouvoir à la perfection.
-
Julie !
l’appela Edda. Viens avec moi, on va s’occuper d’effacer toute trace
informatique de Gabrielle.
-
J’arrive !
s’écria joyeusement l’enfant.
Elle
attrapa la main que lui tendait l’italienne. Cette dernière lui sourit
tendrement, surprise elle-même par l’affection qu’elle portait à cette gamine.
Avant, elle l’avait toujours vue comme un danger potentiel, comme une
hybride… Pourtant, elle lui semblait si humaine, là, à rire et à lui
sourire. Edda serra sa petite menotte dans la sienne, un sourire triste sur les
lèvres. Et si Ael avait eu raison ? Elle jeta un coup d’œil par-dessus son
épaule pour voir Greuz qui montait les escaliers quatre à quatre en direction
de la chambre de Gabrielle. C’était à elle de jouer, maintenant…
3 commentaires:
Mission sauvetage enclenchée ! XD Trop fort Ael !! respect !
Mais tue-les ces connards de parents Helldi ! Tss…
Julie et Gof sont pas mal dans leur genre X) j'espère que Cinaed ne va pas trop leur faire peur :p
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