Greuz
ouvrit la porte de la chambre. Ael lui adressa un grand sourire alors que
Lizzie levait un visage soulagé vers lui.
-
Merci
d’être venu, le remercia-t-il. Du fond du cœur.
-
C’est
normal après tout ce que vous avez fait pour nous, madame Lizbeth.
Lizzie
acquiesça, la gorge nouée, alors qu’elle effaçait les larmes qui s’étaient
aventurées sur ses joues. Elle offrit un sourire crispé à Ael, les muscles
tendus par le stress. Ce dernier se pencha pour faire rouler Gabrielle sur le
flanc et ainsi laisser assez de place pour que Greuz puisse déposer la machine
qui maintenait la malade en vie dans le lit à roulettes.
-
Dépêchons-nous
avant que Julie ne s’épuise, décida Greuz. On se charge du reste ici, rentrez.
-
Merci, Greuz.
-
Arrêtez de
me remercier, madame Lizbeth, lui souffla-t-il. C’est de ma faute si elle est
dans cet état.
-
Je sais,
mais ça ne change rien au fait que tu es en train de sauver la personne que
j’aime. Et pour ça… Jamais je ne te remercierai assez.
Lizzie contemplait avec inquiétude le
visage blême de Gabrielle, à la quête de la moindre réaction de sa part, du
plus petit signe qui encouragerait à penser qu’elle se réveillait enfin. Son
cœur battait lourdement, le sang cognait à ses tempes, mais une allégresse
s’emparait peu à peu de son corps. Pour la première fois, elle agissait S’en
était fini de cette attente insupportable. A son tour, elle allait se battre
pour sauver son aimée.
Plus jamais elle ne serait inactive.
Quand les portes de l’ascenseur
s’ouvrirent, Ael et Greuz poussèrent le lit d’hôpital dans le hall figé. Ils
avaient la singulière impression de débarquer dans un tableau, une scénette
photographiée en trois dimensions. Ael aperçut le père des jumeaux, debout,
semblant hurler après le médecin et les policiers.
-
Tu les as
déjà… ? voulut-il demander.
-
Pas encore,
le coupa Greuz. Je vais m’en occuper puis on emmènera Gabrielle à la voiture.
-
Tu peux me
faire une fleur ?
-
Quoi
donc ?
Après lui avoir glissé ses instructions,
Ael délaissa ses amis pour ne pas gêner l’hypnotiseur et rejoignit Edda. Quand
il se glissa dans la salle où tous les fichiers étaient entreposés, il reçut
une Julie tout sourire dans les jambes.
-
Coucou,
puce, lui sourit-il. Joli travail, dis donc !
-
Merci !
s’exclama l’enfant avec ravissement.
L’ex-agent la hissa dans ses bras et lui
baisa le front avant de se tourner vers Edda dont les doigts voletaient sur le
clavier alors qu’elle effaçait soigneusement toute trace de l’existence de
Gabrielle Helldi dans cet hôpital.
-
Comment tu
t’en sors ?
La jeune femme lui offrit un sourire
espiègle.
-
Très cher,
je suis une hacker professionnelle ! Tout roule comme sur des
roulettes !
-
Je vois ça.
Je peux t’aider à quelque chose ?
-
Obtiens la
libération des agents, et je crois que ce sera bon.
Ael voulut répondre, mais la jeune
italienne s’était déjà replongée dans son travail sans prendre la peine
d’attendre. Ne voulant pas la déranger, Ael s’éclipsa en compagnie de Julie.
Dans le hall, Greuz faisait aller son pouvoir, mais les rouages avaient du mal
à tourner. Cela faisait de longues années qu’il ne s’en était pas servi… A
chaque tentative, il revoyait Gabrielle sur son lit blanc, plus inerte qu’une
morte et la culpabilité le submergeait. Lentement, il parvint à assembler les
parcelles dispersées de son pouvoir. Il dégageait alors de lui une force
monstre, un calme impressionnant et une assurance écrasante. Il était tel que
l’avait rencontré Ael la première fois, quand il était à la tête d’un groupe
puissant de contrebande, dans cet univers où l’honnêteté était le pire des
vices. Soufflé, il le vit prendre un à un chaque personne dans le hall pour
lentement manipuler leurs souvenirs. L’étape avec les parents Helldi fut plus
délicate car il s’agissait d’une subtile opération, mais il la réussit sans
anicroche.
-
Il faut
aller voir le personnel de l’hôpital également, fit savoir Greuz.
-
Julie, tu
tiens le coup ? s’inquiéta Ael.
-
Oui, assura
fièrement l’enfant alors que son visage pâle démentait le contraire.
-
Greuz, je
suis désolé, on doit y aller, là. Nous devons être partis avant que le pouvoir
ne se dissipe.
-
Mais…
voulut protester la fillette.
-
Plus tard,
ma puce. Greuz, ça va ?
-
Je me sens
super bien, avoua l’homme avec un grand sourire. Je vais chercher Edda et on
file.
Quelques minutes plus tard, une fois le
lit remis à sa place originelle, ils démarrèrent et quittèrent le parking de
l’hôpital avec Greuz au volant et Julie à la place du passager. Ael tenait
Gabrielle délicatement contre lui comme s’il avait peur de la voir se briser
entre ses bras telle une brindille. Lizzie poussa un soupir de bien-être et de
soulagement mêlés alors qu’elle se rencognait dans les sièges de la banquette
arrière.
-
On a
réussi, murmura-t-elle d’un air abasourdi.
Ael lui offrit un sourire compatissant en
voyant des larmes humidifier ses joues alors qu’Edda observait silencieusement
cette hybride submergée par son soulagement. Lizzie se recroquevilla sur
elle-même. Elle avait eu tellement peur ! Elle sentit soudain de petits
doigts sur son poignet et retira vivement sa main. Julie n’en prit pas ombrage
et lui offrit un grand sourire plein de dents.
-
La madame
va bientôt se réveiller, non ? demanda-t-elle.
-
Je ne sais
pas, lui avoua Lizzie… Julie ?
-
Oui ?
-
Merci pour
ton aide précieuse. Grâce à toi, on a pu la sauver.
L’enfant, toute contente des compliments
qu’on lui adressait, se mit à chantonner. L’ambiance était légère quand ils
rentrèrent dans le parking du QG. Prévenus de l’opération, plusieurs amis de
Lizzie avaient préparé un lit à roulette qui accueillit Gabrielle dès sa sortie
de voiture. Quand Edda faillit être remise dans sa cellule, la dirigeante de
l’anti-brigade prit le contrôle des opérations.
-
Nous allons
délivrer les agents, décida-t-elle d’un ton irrévocable. Bien sûr, nous n’allons
pas les relâcher sans avoir effacé leurs souvenirs des hybrides et de la
brigade. Greuz ?
-
Vous êtes
sûr, madame Lizbeth ? voulut savoir le géant.
-
C’est la
meilleure solution. Mais si Edda le veut, elle peut garder sa mémoire.
-
Merci,
Lizbeth, la remercia naturellement l’agent.
Beaucoup protestèrent, trouvant le sort
des agents bien trop doux. Mais Lizzie était fermement campée sur ses
positions.
-
Il n’existe
plus de brigade, répliqua-t-elle calmement. Ni d’anti-brigade. Cela ne sert à
rien de faire encore couler du sang, c’est la paix et la tranquillité que nous
souhaitons, pas la vengeance.
Pendant qu’elle parlementait, Ael poussa
le lit, accompagné de Julie et de Gof qui sautillaient près de lui, l’air ravi.
-
Vous savez
où l’on peut l’installer ? leur demanda-t-il.
-
Y’a plein
de chambres libres au troisième étage ! lui répondit le garçonnet. Elle
est belle la dame ! Elle dort ?
-
D’un
profond sommeil.
-
C’est une
princesse ?
-
Heu… oui,
peut-être…
-
Alors, il
lui faut un prince ! affirma Julie en dardant sur Ael un regard insistant.
L’ex-agent haussa un sourcil. Il allait
répondre quand il entendit un tonitruant “AEL !” Il grimaça. Ah, son
prince à lui n’avait pas l’air bien content. En effet, Cinaed arrivait à grands
pas, l’air furibond. Il allait ouvrir la bouche pour l’enguirlander, mais se
figea à la vue de sa sœur. Fronça les sourcils. Soupira.
-
Mais
qu’est-ce qui s’est passé encore ? marmonna-t-il.
-
Bah, en
fait… commença son amant.
-
AEL !
Anaïs se précipita sur lui, à bout de
souffle. A la vue de son sourire, Ael comprit le message. Il la saisit par les
épaules.
-
Vous savez
où il est, madame Arra ? la pressa-t-il.
-
O… Oui,
parvint à articuler la jeune femme. Azela et Nathanaël l’ont trouvé et ramené.
Il est là-haut, réfectoire.
-
Oh, merci
mon Dieu !
Il courut sans plus attendre, plantant là
le lit de Gabrielle, les enfants et Cinaed. Ce dernier, désappointé, ouvrit la
bouche, mais la referma. Heu… ?
-
Allez-y,
jeune homme, lui sourit Arra. Je vais m’occuper de votre sœur. Pour le moment,
votre place est avec Ael.
Azela observait avec tendresse le jeune
Antoine qui mangeait avec enthousiasme ses pâtes.
-
Faudrait
retrouver son père, quand même, souffla-t-elle à son fiancé qui lui tendait un
verre. Il doit être mort d’inquiétude.
-
Laisse-le
manger, on lui en parlera après, sourit doucement Nathanaël.
Il s’assit près d’Antoine.
-
Alors,
elles sont bonnes, les pâtes ? lui demanda-t-il.
-
Voui !
s’exclama joyeusement l’enfant, la bouche barbouillée de sauce tomate. Papa, il
les fait trop bien, les pâtes bolo, aussi !
-
Ah
oui ?
-
Mon papa
c’est le meilleur, ajouta crânement le petit.
-
Je me
demande bien à quoi il ressemble, alors.
-
ANTOINE !
Les portes du réfectoire furent
brutalement repoussées par un Ael en nage et à bout de souffle. Sous les yeux
ébahis des fiancés, Antoine sauta de son banc en criant un grand
“PAPAAAAA !” et se jeta dans les bras d’Ael avec une telle force que tous
deux tombèrent à la renverse !
-
Papa ?
s’étrangla Azela après un moment de silence.
Ael serrait son fils contre lui au point
de l’étouffer. Des larmes de joie et de soulagement dévalaient sur ses joues
alors qu’il chuchotait des paroles rassurantes au petit être collé contre lui.
-
J’ai eu si
peur, papa, s’étrangla Antoine en s’agrippant aux vêtements du jeune homme, le
visage enfoui dans son cou. Si peur…
-
C’est fini,
tout va s’arranger, lui promit Ael. Tout va s’arranger…
Il lui déposa des baisers sonores sur les
joues, ria avec lui, son visage entre ses larges mains, respira profondément
l’odeur de ses cheveux, heureux, soulagé à en crever. Nathanaël, aussi surpris
qu’attendri, se leva et s’approcha de son meilleur ami.
-
C’est donc
ça que tu nous cachais ? le taquina-t-il.
Avant qu’il ne puisse réagir, il reçut
Ael dans ses bras qui pleurait à chaudes larmes.
-
Merci,
merci, merci… ne cessait-il de murmurer.
Nathanaël le serra brièvement dans ses
bras avant de le remettre à son fils qui s’agrippa avec possessivité à lui.
Azela attrapa doucement la main de son fiancé alors qu’il enroulait un bras
autour de sa taille. La jeune femme leva un regard brillant sur lui.
-
On a bien
fait, hein ?
-
Ouais… On
a bien fait.
Sa fiancée remarqua alors la silhouette
aux bras ballants sur le seuil du réfectoire et un petit sourire vint fleurir
sur ses lèvres. Elle se détacha de son amant pour s’approcher de Cinaed.
Doucement, sans un mot, elle saisit sa main pour l’encourager à la suivre. A
leur approche, Ael perdit son sourire. Il chuchota quelques mots à Antoine qui
accepta à contrecœur de descendre de ses bras, mais qui refusa de lâcher sa
main.
-
Antoine, je
te présente Cinaed, lui déclara son père. C’est une personne très gentille. Tu
sais, je te parlais souvent de lui…
-
Le monsieur
avec les flammes ? émit timidement l’enfant.
-
Oui, c’est
lui… Cinaed, je te présente Antoine. C’est mon fils adoptif.
-
Hein ?
ne parvint qu’articuler Cinaed, ébranlé.
Son manque de réaction blessa
profondément le jeune homme. Nathanaël jugea bon de les laisser s’expliquer. Il
parvint, bien difficilement, à détacher Antoine de son père et à l’emmener avec
lui. Azela ferma la porte du réfectoire derrière eux. Après leur départ, le
silence s’installa entre les deux amants. L’ex-agent finit par s’asseoir sur un
banc et prit une profonde inspiration.
-
Cinaed, je
ne te demande pas de devenir un père pour Antoine. Je sais que tu n’apprécies
pas les enfants, mais… Entre lui et toi, je le choisirai. Je l’ai adopté
et je l’assumerai jusqu’au bout.
Cinaed se laissa tomber près de lui, ne
sachant que dire. Il ouvrit la bouche, mais la referma, hésita. Finalement, il
leva les yeux sur Ael qui attendait avec angoisse sa réaction.
-
Je ne peux
pas…
Le cœur d’Ael se brisa. Il pouvait le
sentir se morceler dans sa poitrine, entendre les tessons tomber au fond de son
corps. Hébété, il ne bougea pas pendant un moment. Cinaed, lui, fuit son
regard. Il finit par se lever et faire quelques pas, terriblement nerveux.
-
Je t’aime,
Ael, lui déclara-t-il, brûlant. Mais… assumer un enfant… Je ne suis pas
prêt pour ça.
-
Je ne te
demande pas de l’assumer, cracha le jeune homme.
La douleur avait laissé place à une
colère froide. Il se leva, les yeux asséchés par des larmes qui n’existaient
pas. Sans hésiter, il fit face à son amant.
-
Je voulais
que tu l’acceptes. Que tu nous acceptes. Si je ne t’ai rien dit pendant tout ce
temps à propos de lui, c’est parce que j’imaginais bien que tu réagirais comme
ça. Lizzie m’avait assuré que tout irait bien, que tu prendrais sur toi… parce
que tu m’aimais… Mais je constate, qu’en définitive, c’est moi qui ai
porté le meilleur jugement. Et crois bien que j’aurais mille fois préféré me
tromper.
Il laissa le temps à Cinaed de digérer
ses paroles, il lui laissa la chance de se défendre, mais le dessinateur ne
trouva rien à dire. Blessé, attristé, mortifié, Ael finit par quitter la pièce.
Quand la porte claqua derrière lui, Cinaed comprit qu’il venait de perdre
l’amour de sa vie.
Nathanaël trouva Cinaed au réfectoire,
assis sur un banc, l’air stupide, les yeux rivés dans le vague. Un soupir
franchit ses lèvres et il trottina jusqu’à lui.
-
Ael est parti comme une tornade en
emportant Antoine avec lui, confia-t-il en s’asseyant près de lui.
-
…
-
… Cinaed…
Il posa ses mains sur les siennes pour le
ramener à la réalité. Le dessinateur sembla brusquement se dégonfler et se
recroquevilla sur lui-même en pleurant à chaudes larmes. Pas le moins surpris
par son attitude, Nathanaël le prit contre lui et le berça jusqu’à ce qu’il se
calme. Au bout de longues minutes, le frère de Gabrielle parvint enfin à
discipliner sa respiration anarchique. Il se redressa et sécha ses larmes.
Patiemment, le frère de Marielle l’encouragea à parler.
-
J’ai
refusé… finit par murmurer Cinaed, mortifié. J’ai eu trop peur, je…
-
C’est
Antoine, le problème ?
-
C’est… Je
ne peux pas élever un enfant…
-
Pourquoi
donc ?
Cinaed eut un rictus amer.
-
Parce que
j’ai peur de reproduire le même schéma qu’avec mon père… Je ne t’en ai
jamais parlé ?
-
Tu n’étais
pas vraiment ce qu’on pouvait appeler quelqu’un de loquace, Cin’, avant le
retour d’Ael.
-
Ah
oui… murmura le dessinateur.
Il prit une grande inspiration, sentant
sa gorge se nouer de nouveau.
-
Mon
père… m’a renié…
-
Quoi ?
-
Il m’a
renié, Nat’… en apprenant que j’étais homosexuel. Il m’a chassé du
domicile familial. J’étais seul, sans argent, sans personne vers qui me
tourner. Si je n’avais pas été recueilli par une dame prise de pitié, j’aurais
fini à la rue.
Nathanaël sentit son cœur se serrer.
Quelle horreur… Cinaed leva un regard humide sur lui.
-
Je ne sais
pas comment m’y prendre avec les enfants, à part les menacer, je ne sais rien
faire d’autre. Si Antoine venait vivre avec nous… Il finirait par me haïr
et Ael me quitterait.
-
Mais tu le
perds déjà… Pourquoi ne pas tenter de… ?
-
Non !
Non, non, non… Je… C’est mieux ainsi. Je préfère qu’Ael me prenne
pour un lâche que pour un monstre.
-
Ael sait pour
toi et ton père, non ?
-
Oui… Nous
en avons déjà parlé…
-
Il est
intelligent, Cin’… Je pense qu’il comprendra si tu lui exposes clairement
tes craintes. Il t’aidera, il t’apprendra et Antoine est un petit garçon vif
d’esprit. Il ne…
-
Ma décision
est prise, Nat’… De toute manière, il est trop tard.
De l’autre côté de la porte, Lizzie
n’émit pas un mot. Elle soupira et rejeta la tête en arrière.
En définitive, elle n’avait même pas eu
l’occasion de voir Antoine…
Lydéric raccrocha. Ravi, il poussa un
grand cri de joie et se mit à sautiller à travers l’appartement. C’était
officiel, il partait en tournée ! Enfin, il allait pouvoir se changer les
idées ! Voir Ael heureux était à la fois un supplice et un bonheur, il
avait besoin d’aller s’aérer…
Pour fêter cet heureux événement, il se
déboucha une bouteille de vin. Dire que dans moins de cinq jours, il
s’envolerait pour le Japon ! Le pied !
Il allait porter le verre à ses lèvres
quand on sonna à la porte. Tiens, qui cela pouvait-il donc être ? Il
reposa son verre à regret et ouvrit la porte.
-
Ael !
s’exclama-t-il, ravi. Content de… Mais, ça ne va pas ? Hé, Ael !
Et Antoine, qui se tenait en retrait, vit
son père éclater en sanglots amers dans les bras de cet inconnu.
Après quelques explications décousues,
une bonne douche et quelques verres, Ael était enfin un peu plus calme. Il alla
coucher Antoine dans la chambre qu’il occupait il y a peu. Il lui baisa le
front et lui caressa les cheveux.
-
Ça ne va
pas, papa ? lui demanda timidement l’enfant.
-
Ne t’en fais
pas, bonhomme. Papa est un peu secoué. On va rester un moment ici, ça te
va ?
-
Oui… Le
monsieur est gentil avec moi.
-
Oui, c’est
une bonne personne… Dors bien, mon cœur et fais attention à ne pas te
téléporter au cours de la nuit, ajouta-t-il avec un sourire taquin.
-
Je vais me
maîtriser, promit l’enfant avec sérieux.
-
Bonne nuit,
petit ange.
Ael rejoignit Lydéric dans le canapé. Le
mannequin lui ouvrit ses bras et son ami s’y pelotonna avec reconnaissance,
ayant besoin d’affection après sa brusque rupture avec Cinaed.
-
Que
comptes-tu faire, maintenant ? lui demanda Lydéric gentiment.
-
Je pensais
retourner chez mes parents, avoua Ael d’une petite voix. Je ne les ai plus
revus depuis mon entrée dans la brigade. Le problème, c’est que je n’ai ni
papiers, ni passeports et sûrement pas assez d’argent pour me payer un billet
d’avion et les rejoindre. Tout a brûlé avec le pensionnat.
-
Je peux te
procurer tout ça, tu le sais, non ?
-
J’abuse
déjà suffisamment de toi comme ça, Lydéric.
-
Ael,
l’argent n’est pas un problème pour moi. Et je veux t’aider.
-
Tu en fais
tellement pour moi alors que je n’ai rien à t’offrir en retour… j’ai
l’impression d’être un ingrat, un parasite, ricana amèrement le jeune homme.
-
Je
t’interdis de penser ainsi ! Si tu me gênais, je t’aurais déjà mis à la
porte !
Un petit rire fusa des lèvres d’Ael.
-
Ça, je le
sais, sourit-il doucement. Mais je ne peux accepter.
-
Ton avis
m’importe peu, ma décision est déjà prise.
-
Quel tyran,
ironisa l’ex-agent.
Lydéric prit un air faussement vexé avant
d’attaquer Ael en lui chatouillant les flancs. Le jeune homme explosa de rire
et dut bientôt demander grâce.
-
Très bien,
je me soumets, sourit-il. Tu es trop fort pour moi.
-
…Tu ne vas
vraiment pas laisser une chance à Cinaed ?
Le visage du garçon se ferma. Il se
recula alors que de la colère venait teinter ses yeux de lueurs orageuses.
-
Non, fut sa
réponse. La chance, il l’a eue, il
l’a rejetée. J’ai besoin de stabilité pour Antoine, pas d’un homme qui
l’accepte sous son toit par contrainte.
-
Mets-toi un
peu à sa place, Ael… lui chuchota Lydéric en le reprenant dans ses bras.
Un enfant, c’est beaucoup de changements dans une vie…
-
Je ne veux
plus attendre, Lydéric. Je l’ai cherché tellement longtemps… Si je me suis
rapproché de ces groupes douteux, si j’ai plongé, si je n’ai pas achevé ma
classe préparatoire alors que j’avais la possibilité de faire bien plus, c’est
pour lui… Pour Cinaed. Même avec Antoine à mes côtés, j’aurais pu aller
plus loin, mais l’aide d’Arra pour ses pouvoirs et le réseau des agents pour
Cinaed… c’était trop tentant…
-
… Très
bien, je n’insisterai pas.
-
Merci.
-
Au fait,
j’y pense, où sont tes parents ?
-
Aux
dernières nouvelles, je crois qu’ils vivent toujours au Japon…
-
Au
Japon !
-
Heu, oui,
pourquoi ?
-
J’y vais
pour ma prochaine tournée ! On va pouvoir faire le voyage ensemble !
-
Tu pars
dans combien de temps ?
-
Cinq jours.
-
Je n’ai pas
de papiers, lui rappela Ael.
-
Je m’en
occupe, ne t’en fais pas, OK ?
-
… Tu es un
type bien, Lydéric. Merci pour tout…
Le mannequin lui sourit et le serra un
peu plus contre lui.
-
Tu sais
parfaitement dans quelle posture je me trouve, non ? lança-t-il.
-
Je sais, et
j’en suis désolé, lui chuchota Ael. Mais je n’avais nulle part où aller.
-
Non, je
préfère te savoir ici qu’errer je ne sais où avec ce pauvre Antoine.
-
…
-
Je pourrais
t’aider à oublier Cinaed, tu le sais, n’est-ce pas ?
-
J’en suis
conscient. Et je sais que je serais heureux avec toi, mais… Laisse-moi un
peu de temps. Juste celui de tourner la page. J’aime encore Cinaed,
alors…
-
Je sais.
-
Mais,
Lydéric, je t’en prie… Ne m’attends pas. Je ne veux pas te retenir captif,
ce serait égoïste et cruel. Alors… d’accord ?
-
Oui… D’accord.
-
Donc tu
t’en vas…
Ael nota la tristesse dans la voix de son
ami et lui offrit un petit sourire.
-
Je serai
revenu pour ton mariage, Nat’, ne t’en fais pas. Cela fait trop longtemps que
je n’ai plus vu mes parents. Et puis je pourrai t’appeler, maintenant que j’ai
un portable.
-
Un autre
cadeau de Lydéric ? railla Nathanaël.
-
Je le
rembourserai dès que j’en aurai les moyens, répliqua le père d’Antoine. Mais
pour le moment, je n’ai pas d’autre choix. Toutes ses démarches administratives
prennent un temps fou !
-
Je
sais… Mais c’est la bonne solution, tu crois ? Pour Cinaed…
Ael sentit son cœur faire un bond dans sa
poitrine à la simple évocation de ce nom. Il tâcha de garder contenance.
-
Non, ce
n’est pas une solution, c’est une fuite, répondit-il doucement. Mais je n’ai
rien d’autre, à part ça, pour le moment.
-
…
-
Ne me fixe
pas comme ça, Nat’… C’est assez douloureux comme ça…
Un petit sourire vint ourler les lèvres
du garçon qui prit son ami dans ses bras.
-
Appelle dès
que tu as besoin de parler, lui chuchota-t-il.
-
Toi
aussi…
-
Je n’y
manquerai pas. Et n’oublie pas ! Dans deux mois, tu reviens pour mon
mariage, on est bien d’accord ?
-
Comme si je
pouvais l’oublier ! sourit Ael, ravi pour son ami.
L’aéroport grouillait de monde !
Ael, quelque peu inquiet pour Antoine, resserra la prise qu’il avait sur sa
main. A côté de lui, Lydéric sifflotait, tout joyeux à l’idée de partir en
voyage. Il vit son ami se pencher sur son fils pour lui donner de nouveau ses
instructions.
-
N’oublie
pas, si tu te téléportes quand on sera au Japon, tu utilises ton portable pour
m’appeler et me dire où tu es, c’est bien compris ? Tu en connais le
fonctionnement, tu en es sûr ? Tu as toujours ton carnet avec les
questions de base en différentes langues, aussi ?
-
Oui, papa,
souffla Antoine avec fatigue. Tu me l’as déjà dit pleiiiiin de fois…
-
Oui,
mais…
-
Ael, notre
avion, lui indiqua Lydéric. On devrait y aller.
-
Heu, oui,
tu as raison, heu… Bon, Antoine, tu…
-
Oui,
papa ! le coupa son fils.
Voyant le visage inquiet de son père, le
petit effectua une pression sur sa main.
-
Oui, papa,
répéta-t-il. C’est bon.
-
OK…
Pour le rassurer, Antoine déposa un baiser
sonore sur sa joue. Quelque peu rasséréné, Ael se tourna vers Lydéric.
-
Hé bien,
embarquons, alors.
-
Avec
plaisir !
Lizzie était en train de consulter les
plans du bâtiment qu’elle avait fait construire quelques années auparavant pour
accueillir ses semblables. Aujourd’hui, avec quelques menus travaux, elle se
disait qu’elle pourrait très bien le transformer en hôtel ou auberge de
jeunesse. Les chambres se vidaient au fur et à mesure, il ne resterait bientôt
plus grand monde ici avec elle. La jeune femme eut un sourire satisfait.
Finalement, après des années de lutte, elle avait réussi à offrir un avenir
convenable à des personnes que la société rejetait…
Les couloirs résonnaient d’absences.
Siméon, Julie, Gof et quelques autres étaient trop jeunes pour se lancer dans
la société, mais ils avaient tous trouvé quelqu’un qui acceptait de s’occuper
d’eux jusqu’à ce qu’ils soient capables de se prendre en charge eux-mêmes.
C’était d’ailleurs Edda qui avait embarqué Siméon et Thérèse avait choisi
d’adopter les plus petits. Lizzie, en entendant plusieurs des siens protester
contre l’effacement de la mémoire de cette vieille dame, avait choisi de la
laisser tranquille.
La jeune femme entra dans la chambre de
Gabrielle où son aimée dormait de son sommeil princier. Elle trouva avec
étonnement Cinaed à son chevet.
-
Tu n’es pas
allé retenir Ael ? le questionna-t-elle. Il part aujourd’hui, tu n’as pas
oublié ?
-
Je n’ai pas
oublié, répondit doucement Cinaed.
-
… Cinaed,
rentre chez toi. Prends un bain, un verre et dors. Tu en as grand besoin.
Le frère de Gabrielle ne chercha même pas
à protester.
2 commentaires:
Ael est papa !! :') enfin, il l'a adopté, ms sa revien au meme ! Trop belles retrouvailles !
Vont pas se séparer qd même, ael et cin' ?!
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