lundi 16 septembre 2013

10 100

   Oyé, oyé ! Nobles damoiseaux et gentes demoiselles ! Le crieur publique a une annonce à vous faire parvenir ! Oyé, oyé ! Grand évènement ! 

   Il était une fois un petit blog, né un jour d'avril (le 22 pour être précis). Il était fourni en articles par une demoiselle qui aimait publier toutes sortes de nouveautés. Et les visiteurs, curieuses petites bêtes que cela, commencèrent alors à affluer…

   Messieurs dames, nobles damoiseaux et gentes damoiselles, j'ai l'immense privilège aujourd'hui de vous annoncer que nous avons atteint les 10 100 visites aujourd'hui même !!!

   Un énorme merci pour tous ceux qui viennent lire ce blog, merci à tous les visiteurs, à tous les lecteurs, à toux ceux qui laissent des commentaires et à tous ceux qui m'envoient des mails ! C'est super !

   Pour fêter l'évènement, je voulais vous faire un dessin, mais… Bah, je n'ai pas réussi. Ce que j'ai produis n'était vraiment pas à la hauteur du moment, alors j'ai choisi de me concentrer sur ma spécialité, c'est à dire, l'écriture ! 

Alors, voici maintenant, oui, tout de suite, immédiatement, les deux derniers chapitres de la fiction “Médée, un monstre d'humanité”. Oui, la fin, vous avez bien lu ! Je vous souhaite une très bonne lecture et on se retrouve après pour notre instant musique ! 

 
Pollux lui avait donné du fil à retordre. Phérès, vacillant, regagna péniblement sa chambre. Le sort dont il avait usé lui avait coûté beaucoup de son énergie… Il s’affala contre sa porte, le cœur battant la chamade. Le moindre effort lui était douloureux. Il entendit soudainement des pas précipités et un verrou qu’on défait. La porte bascula, lui retirant son seul soutien. Entraîné par son poids, le garçon s’affaissa dans les bras de son frère. 
-                Phérès ! s’inquiéta-t-il. Phérès !
-                Merméros, murmura-t-il d’une voix endormie. Retourne te coucher !
Mais son jeune frère ne semblait pas décidé à lui obéir. Ses mains s’agrippèrent au vêtement de son aîné alors qu’il enfouissait son visage dans le creux de son épaule.
-                Pourquoi ? s’étrangla-t-il. Si seulement j’avais des pouvoirs, moi aussi…
Phérès se redressa, étonné. C’était bien la première fois que Merméros parlait en ces termes. Serait-il jaloux ? Non… plutôt inquiet. Il lui sourit avec douceur.
-                Tu en as un, mon frère, un bien plus grand que n’importe lequel de mes sortilèges.
-                C’est vrai ? balbutia Merméros. Qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est ?
Son frère ne répondit pas. Il se contenta de lui sourire et de passer une main sur ses yeux. Quand il la retira, son frère dormait profondément contre lui.
-                Ça, tu le découvriras un jour, mon cher frère.
Son regard se porta par delà la fenêtre percée dans le mur du couloir. Il plissa les yeux, gagné par une soudaine mélancolie.
-                L’aube est là… 

Corinthe tout entier était en fête ! La joie courait dans les rues, planait dans le ciel tel un oiseau d’or dont les ailes saupoudreraient les esprits d’un éclat nouveau. Aujourd’hui, mariage. Aujourd’hui, le vieux roi quittait son trône. Aujourd’hui, une nouvelle page de l’Histoire s’écrivait.
Voilà qu’elles étaient les pensées de Jason en voyant les plébéiens danser sur les routes pavées. On frappa à sa porte.
-                Entrez ! lança-t-il.
Nérine le salua bien bas. Elle tenait entre ses bras la magnifique tunique de Médée.
-                Voici le vêtement exigé par la princesse, sourit-elle avec douleur. Je suis sûre qu’elle ira à merveille à votre nouvelle épouse, seigneur Jason.
Le jeune homme sentit un élan de culpabilité étreindre son cœur. Il voulut parler, mais Nérine lui fit signe de se taire.
-                Mon Seigneur, murmura-t-elle, les yeux larmoyants, votre union est bénie par les Dieux. Vous êtes un enfant bon, Jason, mais cruel envers les femmes qui s’éprennent de lui. Soyons bon envers Créuse, je vous en prie. Faites au moins cela.
Ses paroles étaient teintées de solennité, elles sonnaient comme un serment. Jason se promit de ne pas les prendre à la légère. Il cueillit le somptueux vêtement et le remit à un esclave.
-                Je respecterai ta volonté, Nérine, promit-il. Oui, je le ferai, je le jure sur le Styx.
-                Ne jure pas, doux guerrier. Seul l’avenir nous dira si Créon a eu raison de te confier la vie de sa fille.
-                … Nérine ?
-                Comment va… Médée ?
La vieille servante pâlit. Elle songeait à sa maîtresse, perdue dans sa douleur, enfermée dans sa chambre alors que son exil pesait telle une épée de Damoclès sur sa tête, l’esprit perclus de souffrance, les pensées empoisonnées de mille sortilèges maléfiques.
Pourtant, elle cacha sa peur derrière un sourire affable.
-                Elle guérit, seigneur. Comme un malade qui sort d’une grippe, elle a encore l’esprit engourdi, mais elle comprend votre choix.
Un vif soulagement peignit les traits de Jason. Il se laissa tomber sur un divan.
-                Puis-je vous faire une confidence, Nérine ?
-                Cela dépend de quelle sorte de confidence il s’agit, seigneur, émit la vieille fille avec méfiance.
-                Je n’ai jamais aimé Médée… Elle m’a toujours procuré un sentiment de puissance. Se tenir à ses côtés nous donnaient l’impression d’être capable de triompher des plus grandes épreuves. Mais auprès de Créuse, j’ai découvert un nouveau sentiment, une émotion qui me fait me sentir grandiose… et unique.
Cette confession ébranla Nérine. Elle posa un regard humide sur Jason. Puis elle s’avança et baisa son front.
-                Mon pauvre enfant, s’étrangla-t-elle. Je prie pour que les dieux aient pitié de toi… 
Jason la dévisagea avec insistance. Et il comprit.
-                Moi aussi, Nérine… Je prie pour que Jupiter ait pitié de moi.

Médée s’avançait dans les couloirs sombres. Elle allait, les pieds chaussés de sandales de cuir dont les lacets enserraient ses chevilles. Elle était vêtue d’une simple tunique blanche serrée à la taille par une ceinture. Les esclaves chuchotaient sur son passage, se demandant pourquoi elle était habillée de la tenue des épousées. Ils désignaient le voile orangé qui couvrait ses cheveux coiffés selon ce rite particulier réservé aux fiancées. Sa longue chevelure avait été séparée en six tresses qui avaient été ensuite fixées autour de sa tête à l’aide de bandes de laines et d’épingles. Un curieux sourire semblait être gravé sur ses lèvres… 
-                Ubi tu Gaïus, ibi ego Gaîa, murmurait-elle dans une étrange litanie.
Elle répétait la phrase rituelle dans un murmure, comme si prononcer ce vœu à voix haute la consumerait. Elle avait tout d’une jeune mariée dans sa plus belle toilette, une jeune femme dont le souhait le plus cher se réaliserait en ce jour… 
-                Médée !
La prêtresse d’Hécate ne s’arrêta pas à cette injonction. Une main la saisit violemment par le coude et elle posa alors son regard vide sur un Pollux visiblement furieux.
-                Que fais-tu ?  Tu n’as pas ta place ici ! Tu devrais déjà être partie en exil, loin de nous tous ! Tu ne dois être présente lors du mariage !
C’est alors qu’il dénota son étrange toilette. Il pâlit à cette vue. 
-                Mais qu’as-tu l’intention de faire ? murmura-t-il.
-                … 
-                Médée ! Je sais que Jaon a mal agi envers toi ! Il a bafoué ta confiance, il t’a humiliée ! Mais ce n’est pas en restant présente ici que tu parviendras à guérir tes blessures ! Si tu assistes à cette union, ton cœur jamais ne cessera de saigner !
La magicienne éclata brusquement de rire. Elle dégagea son bras de l’emprise de Pollux et reprit sa marche. Il voulut la suivre quand on tira sur sa tunique. Baissant les yeux, il vit Phérès qui le fixait, sourcils froncés.
-                J’ai l’impression que tu as oublié mes ordres, siffla l’enfant. Laisse mère !
Pollux voulut protester, mais une force titanesque l’en empêcha. Il était incapable de contredire le fils de Médée ! Pis encore, il sentait qu’il devait agir selon ses directives ! Alors, il hocha la tête, les yeux vidés de toute volonté.
-                Oui, Phérès… Il en sera ainsi.

Les gardes s’empressèrent de s’écarter à la vue de Médée, peu désireux d’être victimes de ses maléfices. La jeune femme ne leur accorda même pas un regard alors qu’elle passait la porte des geôles. Dans l’une de ses cellules crasseuses, recroquevillé sur lui-même tel un enfant qui attendrait sa punition, se trouvait Egée.  
-                Ce n’était pas moi, ce n’était pas moi, murmurait-il en se balançant doucement tout en mordillant l’ongle de son pouce. Ce n’était pas moi, je ne sais pourquoi j’ai fait ça, ce n’était pas moi, pitié, Créon, écoute-moi, ce n’était pas moi, ce n’était pas moi… 
-                Pauvre, pauvre roi, déclara doucement Médée. Aurais-tu donc été ensorcelé ?
Le roi d’Athènes leva ses yeux écarquillés sur la magicienne, comme frappé d’une illumination.
-                Oui, coassa-t-il d’une voix enrouée à force de clamer son innocence. Oui, c’est cela, j’ai été ensorcelé ! Ô bonne dame, je vous en supplie, aidez-moi !
L’intéressée lui sourit avec douceur et s’accroupit à sa hauteur. Ils n’étaient séparés que par les barreaux. Egée frissonna en sentant le souffle glacé de cette femme sur sa peau. Qui était-elle ?
-                Je vais vous sorti d’ici, lui confia-t-elle sur un ton étouffé. Dès que le mariage sera passé, nous serons libres, tous les deux… Mais, pour cela, j’aurai besoin que vous me fassiez une promesse.
-                Une… promesse ?
-                Vous allez devoir m’emmener avec vous, à Athènes, et me placer sous votre protection royale. Parce que vous m’aimez, n’est-ce pas ?
La tête d’Egée dodelina alors que ses paupières s’abaissaient, tels des voiles lestés de plomb. Il tenta de lutter un moment contre la torpeur qui gagnait ses membres, mais, un instant plus tard, il y avait cédé et était plongé dans un profond sommeil. Médée reprit son souffle, pantelante. Ce sort lui avait coûté énormément en énergie. Pourtant, il était nécessaire pour qu’elle assure ses arrières.
-                Voilà une bonne chose de faite, chuchota-t-elle alors qu’elle se redressait.
Alecto, la furie de l’Implacable, la suivait des yeux sans un mot. Ses sœurs étaient parties surveiller les agissements de Jason et de Créuse. Elle, elle avait tenue à continuer de suivre la sorcière de Colchide. Dérobée à son regard par une puissance autrement plus forte que la sienne, elle marchait dans ses pas sans que la jeune femme ne se doutât de rien. Elle la suivit du regard alors qu’elle quittait la prison.  
-                Oui, ma sœur, va… murmura-t-elle. L’heure est venue de punir les crimes… 

Dans ses appartements, Créuse se tenait devant son miroir. Ses dames de compagnie lui avaient présenté la robe de Médée quelques minutes auparavant. Le vêtement était encore plus beau que dans ses souvenirs… Le tissu était d’une douceur surprenante, les broderies étaient simplement d’une beauté sans pareille ! Emerveillée, la princesse la contemplait encore et encore sur son portant sans oser l’enfiler.
Le cœur battant, elle se rappelait avec acuité de la veille quand elle avait prié les lares. Elle quittait enfin le monde de l’enfance, la protection paternelle pour s’unir à l’homme après lequel elle avait soupiré pendant tant d’années.
Elle le volait à la sorcière… 
Non.
Elle le sauvait. Oui, ses actes étaient justes, elle n’était pas en tort. Avec un rictus, elle se remémora le visage de cette femme quand elle lui avait annoncé la nouvelle de son mariage. Ses traits ravagés, son teint blanchâtre, tel celui d’un fantôme, ses yeux démesurés par la peur… A sa grande stupéfaction, elle l’avait vu s’effondrer à ses pieds, tel un vulgaire pantin dont on aurait soudainement tranché les fils. Elle avait ressenti à ce moment-là une sorte de délectation qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant, excepté dans ces soirées folles où elle prenait plaisir à battre ses esclaves. 
-                Vêtissez-moi !
Sa tunique tomba à ses pieds. Nue, elle tendit ses bras graciles pour laisser la robe glisser contre sa peau. Elle eut un frisson de délice au contact soyeux de l’étoffe. En quel matériau cette toilette pouvait-elle bien être tissée ? Elle n’en connaissait pas de semblable. Quand son regard croisa les yeux de son reflet, elle eut un mouvement de recul, sublimée par sa propre image.
-                C’est… magnifique, murmura-t-elle, le souffle coupé par l’émotion.
Ses doigts caressèrent la surface polie de son miroir. Elle avait l’impression de faire face à une autre femme, plus belle encore, comme si Vénus était venue lui accorder ses grâces. Ses cheveux lui semblaient vaporeux, auréolés d’une lumière surnaturelle. Sa peau, blanche comme le lait… 
-                Je suis Créuse, nouvelle reine de Corinthe, s’enorgueillit-elle. Reine et épouse, enfin !
Un vent violent se leva et souffla soudainement les chandelles des candélabres. Créuse se figea, habitée par un malaise inexpliqué.
-                Rallumez les bougies ! rugit-elle. Faites-le immédiatement !
Nul bruit ne lui parvint en réponse. Inquiète, la princesse se recula jusqu’à toucher le miroir. Sa surface lui paraissait glacée… 
-                Que se passe-t-il ? murmura-t-elle. Obéissez-moi, esclaves !
Un rire lui répondit. Un frisson malsain la parcourut toute entière. Jamais elle n’avait entendu son plus sinistre. Une mélodie alors s’éleva.
-                Créuse, petite princesse aux mains couvertes de sang de ceux qu’elle bat… 
La fiancée poussa un hurlement de terreur. Elle se recroquevilla sur elle-même, les mains plaquées sur ses oreilles, les pupilles dilatées. Mais la chanson, au lieu de s’éteindre, s’amplifia et sembla remplir tout son être.
-                Créuse, petite princesse, qui s’amuse de la souffrance de ceux qu’elle bat… Créuse, petite fille, toujours dans les jupes de son papa… Créuse, sale fillette, aux caprices de reine qui séduit les hommes qui ne lui appartiennent pas. Créuse, stupide gamine, tu n’es rien… 
La princesse porta alors ses mains à sa gorge. Elle ne parvenait plus à respirer ! Le vêtement était en train de l’étrangler. Elle voulut appeler au secours, se lever, courir loin de cette voix venimeuse, mais la robe l’enserrait dans un étau de fer. Elle s’écroula à terre, la bave aux lèvres. Ses yeux suppliaient une aide, une main charitable qui saurait la dégager de ce piège morbide.
-                J… Ja… son, parvint-elle seulement à articuler péniblement.
Sa souffrance fut brève. Quand elle eut rendu son dernier souffle, Tisiphone, la Vengeance, sortit lentement de sa cachette. Les serpents dans ses cheveux sifflaient de joie, mais le visage de la furie demeurait grave. 
-                N’y voit rien de personnel, Créuse, fille de Créon. Mais il fallait que tu périsses… 
Elle eut un bref ricanement.
-                Maintenant, laissons l’histoire reprendre son cours.
Elle claqua des doigts et disparut instantanément. Les flammes des chandelles se ravivèrent et les esclaves, encore désorientés par ce qu’il venait de se produire, découvrirent le corps de leur maîtresse gisant à terre.

Créon était en train de faire une offrande à Jupiter avec Jason. Ils avaient sacrifié un jeune agneau en lui tranchant la gorge. Le sang de l’animal se répandait sur l’autel à grand flot, teintant la pierre d’un rouge cramoisi. Le roi plissa le nez. Ses rituels, bien qu’ils lui paraissent naturels, lui avaient toujours soulevé le cœur. Alors qu’il s’écartait pour laisser plce à son gendre et lui permettre d’adresser ses prières au roi des Dieux, il se sentit tiré brusquement en arrière. Une main froide armée de longues griffes fut plaquée sur le bas de son visage. Une odeur de charogne lui parvint et il gémit. Mais personne ne semblait se rendre compte qu’on était en train de violenter le roi sous leurs yeux.
-                Ô roi stupide, toi qui te prétends sage, mais qui n’est qu’un homme cupide et stupide, chuchota Mégère dans le creux de son oreille. Toi qu’on dit être juste et qui t’acharne sur le sort d’une simple femme… Toi dont l’œil déforme la vérité, toi dont les paroles changent les faits. Deux malheurs vont te frapper. Ton destin s’accomplit, tu ne peux y réchapper… 
 La main libéra sa bouche. Créon voulut hurler, mais en était incapable. Les portes du temple furent alors violemment écartées par ses esclaves personnels.
-                Votre Majesté ! C’est terrible, votre fille… !

Créon et Jason débouchèrent en trombe dans l’appartement de Créuse où elle gisait encore à terre. Aucun esclave n’avait encore osé toucher son cadavre. Jason, livide, n’osa pas pénétrer la chambre de sa fiancée. Accablé, épouvanté, il la contemplait sans pouvoir dire un mot ou esquisser un geste. Créon, lui, tomba aux côtés de sa fille. Ses mains tremblantes caressèrent son visage. 
-                Pourquoi ? gémit-il. Qu’avez-vous fait ?!
Il se tourna vers Jason, hors de lui.
-                Toi ! Tu as amener le fléau dans ma demeure ! Tu es un monstre, tout autant qu’elle !
-                Q… Quoi ? parvint seulement à balbutier le jeune homme, encore sous le choc.
-                Vous avez tué Créuse ! Vous avez assassiné la chair de ma chair !
Tué, tué, tué, tué, tué, tué, tué ! Jason gémit, la tête comprimée par les reproches. Il se frotta les tempes comme pour espérer soulager la douleur qui l’habitait. Titubant, il se laissa aller contre le portant de la porte.
C’est alors que se produisit le deuxième malheur.
Un hurlement sans fin sortit de la gorge de Créon. Il était extrêmement douloureux, plus douloureux qu’une simple plaie de cœur. Sous les yeux terrifiés de ses esclaves, le bras de Créon venait de prendre feu. Jason, tétanisé, n’osait pas bouger un seul muscle. Les flammes gagnaient du terrain, dévoraient chair et vêtements. Les esclaves balancèrent de l’eau, mais le feu se raviva à son contact. Alors, ils essayèrent de l’éteindre à main nue, mais ils ne se brûlèrent pas.
-                Démon ! hurla une esclave avant de tourner de l’œil.
Créon se tordait de douleur sur le sol, hurlant et hurlant encore. Les essais de ses esclaves pour le sauver ne faisaient qu’attiser la souffrance qui le dévorait. Il courait à travers la chambre, entièrement baigné de flammes, souffrant, lui semblait-il de mille maux ! Il voulut hurler le nom de Jason, le supplier de le sauver, mais il ne sortit de ses lèvres qu’un râle d’agonie. Alors, titubant, il se rendit sur le balcon. Tous virent avec horreur son corps basculer dans le vide.
Créon était mort avant de s’écraser sur le sol. Jason, le souffle court, les yeux écarquillés, tentait de vain de mettre de l’ordre dans ses pensées confuses. Un cri de terreur lui fit faire volte face. Derrière lui se tenait Nérine.
-                Par les Dieux, s’étranglait-elle, les joues baignées de larmes. Faites que cela cesse.
-                 Nérine !
-                Je ne le savais pas, seigneur Jason. Je ne le savais pas, je le jure au nom du Styx ! Ô seigneur… 
-                Je sais, Nérine, vous n’y êtes pour rien, tenta-t-il de l’apaiser.
-                Pas eux, seigneur ! Ce sont les enfants !

Médée se tenait au centre de la pièce, couchée dans le lit nuptial. Phérès et Merméros étaient blottis contre elle et ses mains caressaient leurs cheveux.
-                Mes doux agneaux, chuchotait-elle doucement, avec un douceur infinie. Vous m’aimez, n’est-ce pas ?
-                Bien sûr, mère ! s’exclama Merméros avec enthousiasme.
-                Mes tout petits… Comme je vous aime.
Un violent coup à la porte fit sursauter Merméros. Le coup se renouvela, encore et encore.
-                Médée ! Laisse-les ! Médée !
Pour toute réponse, la jeune femme éclata de rire. Un rire chaud et bienveillant. Mais ses yeux reflétaient une haine sans faille.
-                Pourquoi donc ? gloussa-t-elle, telle une jeune fille. Ce sont mes enfants, ils ne font que  m’aider dans ma tâche !
-                Médée ! Je t’en supplie ! Je ferai tout ce que tu voudras ! Je t’en supplie, par les Dieux ! Ne leur fais pas de mal !
De l’autre côté de la porte barricadée, Jason continuait à frapper le battant. Il dégaina son glaive qu’il enfonça dans le bois dans un cri de guerre. A ses côtés, Nérine continuait de sangloter.
-                Madame ! cria-t-elle. S’il vous plaît, cessez cette folie ! Libérez les petits !
-                Silence ! rugit Médée. Silence, silence, silence, silence, silence !
Phérès avait attiré son frère à lui. Depuis l’autre bout du lit, il observait sa mère, recroquevillée sur elle-même, les joues inondées de larmes, les mains plaquées sur les oreilles.
-                Je veux qu’elle paie ! hurla-t-elle d’une voix aigu. Il doit connaître ma souffrance, il doit savoir ! Je le hais ! C’est le seul moyen pour qu’il souffre ! Qu’il souffre autant que j’ai souffert !
Dans la chambre, la tête de son frère roulait, roulait et il riait, riait. Sa bouche aux lèvres éclatées dévoilaient ses dents brisées et teintées de sang. Médée, effrayée, s’affaissa un peu plus sur elle-même. 
-                Je dois le faire, je dois le faire, je dois le faire, je dois le faire, je dois le faire, je dois le faire… 
Elle répétait cela, telle une lente litanie. Ses yeux écarquillés se posèrent sur le poignard qu’elle avait sorti. Et un sourire étira ses lèvres.
-                Mes doux enfants, mes chers petits… Venez me voir… 
Merméros, terrifié, sanglotait contre son frère. Phérès retenait difficilement ses larmes. Ses dents se serrèrent.
-                Mère, je vous en supplie, reprenez vos esprits !
-                MEDEE ! hurlait toujours Jason de l’autre côté.
Et Médée qui s’avançait toujours. A quatre pattes sur le matelas, son poignard en main, elle déchirait les draps au passage. Phérès vit la lame pénétrer les coussins et un frisson de terreur pure s’empara de lui.
Jason abattit encore sa lame sur la porte… 
Médée leva son bras.
Phérès hurla.

Quand Jason parvint à enfoncer enfin la porte, il se trouva face à face avec Médée. Sans même hésiter une seule seconde, il lui enfonça sa lame dans le ventre. La jeune femme se plia en deux sur le glaive et un flot carmin s’échappa de ses lèvres. C’est alors qu’il remarqua tout le sang qui maculait sa robe blanche. Un hurlement de rage et de désespoir sortit de sa gorge.  
-                MEDEE !
Dans un mouvement vif, il plongea encore plus profondément l’acier dans le corps de la sorcière. Cette dernière, tremblante, parvint à saisir la poignée à deux mains. Jason voulut retirer son glaive, mais il n’y parvint pas ! Médée gardait fermement la garde entre ses doigts. Il entendit un gargouillis parvenir de la jeune femme et se recula. Elle… riait ?
La nièce de Circée se redressa péniblement, le glaive en travers du corps. Nérine hurla de terreur à la vue de la large plaie qui courait en travers de sa gorge. Qui pouvait donc avoir bien fait ça ? Une voix surgit soudainement de nulle part. 
-                Je suis Médée de Colchide, nièce de Circée, prêtresse d’Hécate, descendante de Sol ! Vous n’êtes rien comparé à moi ! Je suis une furie, et je viens appliquer ma sentence !
Elle fit glisser le glaive hors de son ventre. Un flot épais de sang jaillit de la plaie, mais Médée ne semblait pas se soucier de ses blessures. Elle avait les yeux fixés sur un Jason tétanisé.
-                JASON ! 
Mais jamais sa main armée ne frappa l’homme terrifié. Alors qu’elle s’apprêtait à plonger le glaive dans la chair blanche, des serpents s’enroulèrent autour de ses membres et la rejetèrent en arrière. Elle glissa à terre et l’arme lui échappa. Au-dessus d’elle se penchèrent les trois furies.
-                Que faîtes-vous ?! Lâchez-moi, mes sœurs ! Je suis une divinité ! Je suis une furie ! Je vais accomplir mon devoir !
-                Ton devoir, jamais tu n’en as eu, répliqua Mégère.
Les trois visages aux yeux crevés étaient mortellement sérieux. Ils fixaient Médée qui commençait à s’étouffer dans son propre sang.
-                Créuse devait mourir, chuchota Tisiphone. Alors nous avons accompli notre sentence. Elle était mauvaise, égoïste, cruelle et capricieuse. Créuse devait mourir.
-                Créon devait mourir, murmura Mégère. Alors nous avons accompli notre sentence. Il était un roi qui se pensait sage, mais il n’en était rien, au contraire. Créon devait mourir.
Alecto se redressa. Elle tenait à la main une torche dont la flamme bleue émettait une chaleur glacée… 
-                Médée doit mourir, déclara-t-elle avec solennité. Alors nous allons accomplir notre sentence. Elle est cruelle, stupide, aveugle, amoureuse… Médée doit mourir.
Epouvantée, agonisante, Médée se mit à pleurer. Elle n’était pas une furie, elle n’était pas une divinité. Elle n’était rien qu’une mortelle à la douleur démesuré et qui s’était fait emportée par un flot de violence.
Dans un flash, elle revit sa rencontre avec Jason. Sa chevelure bouclée qui brillait sous le soleil de Colchide, ses vêtements étrangers, sa barbe négligée. Il respirait la virilité, la bravoure et la sécurité. Leurs regards s’étaient croisés. Elle avait senti son cœur battre fort, fort, plus fort qu’à n’importe quel autre moment de sa vie.
-                Ja… son, parvint-elle à articuler dans un ultime effort.
Puis Alecto laissa tomber la torche sur elle. Dans un torrent de flammes bleues, les furies et Médée disparurent, ne laissant de leur passage qu’une immense flaque de sang. Jason, hébété, fixait l’endroit où se tenait un instant plus tôt le corps de la sorcière, incapable de croire ce qu’il venait de se passer. Ce fut le cri de Nérine qui le tira hors de ses pensées.
-                Seigneur Jason !
Trois formes, dissimulées sous le lit, se tortillèrent pour sortir de leur cachette.
-                Père !
Merméros fonça dans les bras de Jason. Ce dernier, les yeux écarquillés, n’arrivait pas à réaliser la situation. Il voulut parler, mais ne trouva aucun mot pour exprimer son soulagement et son bonheur. Il accueillit son fils dans ses bras et le serra fort, fort, fort contre lui. Nérine s’accroupit près d’eux, pleurant de joie et de soulagement. Elle caressait les cheveux du petit Merméros, répétant inlassablement son nom avec cette tendresse qu’ont les vieilles femmes.
Au bout de longues minutes, Jason parvint à se détacher de son fils. Il le contempla de longues minutes et embrassa ses joues en pleurant et en riant. Puis il les vit. Phérès et Pollux se tenaient en retrait. Sans attendre, il alla soulever son fils aîné qu’il écrasa dans une étreinte possessive. Phérès éclata alors en sanglot et s’accrocha désespérément à son père.  
-                Comment est-ce possible ? murmurait ce dernier. Comment… Comment ?
Il se tourna vers Pollux sans oser y croire.
-                Est-ce toi qui les a sauvés ? Pollux, mon ami ?
Pollux ne répondit pas tout de suite. De sa main, il comprimait la plaie de son épaule gauche. Lorsqu’il se laissa tomber sur le matelas éventré, il ne put retenir une grimace de douleur.
-                Dis ça à ton satané gamin, grommela-t-il pour la forme, mais un grand sourire aux lèvres. Ton Phérès possède des pouvoirs époustouflants.
-                Phérès ? répéta Jason, surpris.
L’enfant, qui avait cessé de pleurer, hocha timidement la tête.
-                J’ai rendu Pollux invisible aux yeux de mère, parvint-il à s’expliquer, encore tremblant de peur.
-                Quand elle a voulu les poignarder, reprit Pollux, voyant bien que l’enfant était incapable de continuer, je me suis interposé. Elle m’a blessé, mais j’ai réussi à lui trancher la gorge. Puis tu es arrivé… et je n’ai pas compris la suite !
-                C’étaient les furies !
Tous se tournèrent vers Nérine qui berçait contre son sein le petit Merméros endormi, vaincu par la violence de toutes ces émotions. 
-                C’étaient les furies, répéta la vieille servante dans un frisson. Elles ont rendu la justice… Elles ont tué Médée.
Phérès frissonna une nouvelle fois. Puis se yeux se posèrent sur son jeune frère endormi et il ressentit à son tour l’envie de sommeiller. Terrassé par la fatigue, il s’écroula dans les bras de son père. Celui-ci le serra encore un long moment contre lui en lui murmurant des paroles apaisantes. Dans un sourire tendre, il le berça, lui baisa la tempe.
-                Pollux… 
-                Oui ? sourit ce dernier.
-                Je te jure sur le Styx de ne plus jamais me marier par profit ! Je vais être un père, dorénavant, un véritable père qui saura choyer ses enfants et qui, un jour, peut-être, prendra une femme qu’il aimera et qui aimera mes enfants.
-                Voilà une sage décision, souffla son ami en caressant les boucles de Phérès dans un sourire attendri.

Il existe des douleurs qui font naître des tragédies. Il existe des histoires qui iront traverser les âges car elles sont porteuses d’une souffrance incommensurable. Il existe des légendes brûlantes de vengeance et de haine.
Et il existe l’amour d’un frère, un petit être sans défense, dénudé de toute force. Pourtant, ce fut cet amour qui parvint à vaincre la tragédie et qui donna la puissance nécessaire aux autres personnages de s’arracher de leur rôle inscrit dans le sang.
Quand la tragédie est brisée, il reste la vie.  
   
   Et voilà pour la fin, j'espère qu'elle vous a plu ! Je dois vous avouer, qu'à force, cette histoire commençait à me peser. c'est pourquoi j'ai décidé de lui donner un ton plus léger sur la fin. Médée est une femme qui m'a captivée, mais aussi dégoûtée et qui m'a inspirée un grand sentiment de pitié. J'aurai pu continuer l'histoire en la faisant sortir victorieuse, mais j'ai choisi de mettre fin à toute sa souffrance. En espérant que vous ayez apprécié ! 

   Et maintenant, comme promis, voici une chanson d'un groupe excellent nommé RED. Et celle-là est ma préférée d'eux. 


    Voilà, encore merci pour tout le soutien que vous m'apportez ! J'espère que vous continuerez à me suivre car l'année scolaire ne fait que commencer et que j'ai une foule monstrueuse de chose sà vous faire partager ! A très vite ! 

Marine Lafontaine

3 commentaires:

Anonyme a dit…

belle fin !

Anonyme a dit…

Félicitations ! Et bravo pour la fin, juste et adéquate !

SCribo a dit…

Mais pk elle est morte Médée :'(((((( !!!???