mercredi 15 janvier 2014

FICTION PARTICIPATIVE, CHAPITRE 2

Bien le bonsoir ! Vous en avez de la chance ! Je viens d'achever le chapitre deux de “Rouge comme le rubis” ! Sans plus attendre, mesdames et messieurs, voici la suite !!


 
Quand Jack déposa ses valises dans son entrée, il laissa lui échapper un soupir de soulagement. Son dos et ses épaules lui faisaient mal à force de marcher avec tout ce poids dans les bras.
-                La prochaine fois, faudra que je recharge mon portable, marmonna-t-il.
-                Ah, Monsieur !
Un homme, de dix ans son aîné, s’approcha de lui, un sourire ravi sur le visage. Puis, voyant toutes les valises qui traînaient à terre, ses sourcils se froncèrent.
-                Mais, pourquoi ne m’avez-vous pas appelé pour que je vienne vous chercher ?
-                Problème de coordination avec la technologie, répliqua Jack avec mauvaise humeur.
-                … Dites-moi si je me trompe, mais vous n’avez pas plus de valises qu’à votre départ ?
-                J’ai ramené quelques souvenirs de France. Il faudra les mettre à la cave !
-                Des souvenirs ? La cave ? Rôh, monsieur… !
Aron était entré vingt ans plus tôt au service de la famille Cadillac. Il s’était étonné, lors de son entretien d’embauche, d’avoir à faire à un gamin de douze ans qui se disait son employeur. Jack Cadillac était encore un enfant à l’époque, mais il ne manquait pas de toupet. Aux yeux d’Aron, l’entretien s’était très mal placé. Il faut dire que crier sur votre potentiel employeur à cause de son attitude je-m’en-foutiste et ses propos déplacés, ce n’était pas forcément une définition de “faire bonne impression”. Mais le résultat avait été là : dix jours plus tard, Richard Cadillac le rappelait pour lui annoncer qu’il avait été embauché.
Un tournant définitif dans sa vie. Aron adorait la famille Cadillac. Le père était souvent absent du domaine familial, c’est à peine s’il avait le temps de voir son fils toutes les semaines. Pourtant, ça crevait les yeux qu’il l’aimait et le chérissait comme un trésor. Aron avait tout mis en œuvre pour transmettre cet amour, souvent maladroit, au jeune Cadillac, ce gamin buté, mais ouvert et franc.
-                Tu devineras jamais qui j’ai croisé en France !
Aron était en train de préparer le repas de Jack. Ce dernier s’était perché sur le plan de travail, une mauvaise manie qu’il avait prise quand il était adolescent quand il voulait discuter avec Aron alors que celui-ci était occupé. Au fur et à mesure des années, l’employé avait développé toutes sortes de techniques de cuisine pour pouvoir préparer le repas sur un espace restreint.
-                Dites toujours, sourit-il.
-                Un cousin ! s’exclama Jack. Rodolphe, je crois bien. Il appartient à la branche aînée.
-                Tiens donc. Il faisait un pèlerinage, lui aussi ?
-                Faut croire. Un pèlerinage pour se débarrasser de ses racines.
Jack sauta de son perchoir pour aller chercher des papiers qui trônaient sur la table basse un peu plus loin. Il les brandit sous le nez d’Aron.
-                Ce sont des archives qui datent environ du onzième siècle. Mais je ne connais pas cette langue…
-                Hum… 
Aron parcourut quelques lignes avec curiosité.
-                Ça ressemble à du grec, typologiquement parlant, analysa-t-il avec lenteur. Mais, même si les signes ressemblent, ce n’est pas ça… Vous devriez aller demander conseil à votre ancien professeur de langues. Peut-être pourrait-elle vous mettre sur la voie.
-                Mouais… Ah, le cousin avait autre chose pour moi ! Un tableau !
-                Un tableau ?
-                Ouais, regarde !
Jack disparut quelques instants à l’étage avant de dévaler les escaliers à grand bruit, un toile sous le bras. Il déposa le portrait sur une chaise et se recula quelques instants pour l’admirer.
-                Voilà ! clama-t-il.
Une totale stupéfaction se peignit sur le visage d’Aron. Il s’agissait d’un portrait en pied d’un homme vêtu d’un costume de velours. Le tissu était tellement bien rendu qu’on avait l’impression qu’on pourrait sentir le velouté de l’étoffe rien qu’en le caressant. L’homme se tenait face à eux, du haut de son 1m30, les mains posées sur le pommeau de sa canne noire. Son visage exprimait de l’arrogance, du mépris, mais il n’en demeurait pas moins beau. Des dreadlocks, coiffure étonnante, mais qui ne manquait pas de charme sur cet inconnu, coulaient sur son épaule droite. Elles paraissaient d’un rouge cuivré à la racine et leur couleur se dégradait au fur et à mesure, jusqu’aux pointes. Ses yeux happèrent toute l’attention d’Aron. D’intenses pupilles dorées où se découpaient des iris en forme de fentes. Des yeux de félin, de prédateur. Pour un peu, l’employé aurait juré les voir s’enflammer…   
-                Il est… surprenant, ne parvint-il qu’à murmurer.
-                Il m’a fait penser à un  Dorian Gray, avoua Jack en souriant.
Dorian Gray était un personnage d’un roman éponyme d’Oscar Wilde qui racontait l’histoire de ce jeune homme à la beauté si parfaite. Un jour, alors qu’un ami peintre avait fait un portrait de lui, il souhaita que cette peinture vieillisse à sa place et porte sur elle tous les stigmates de la noirceur de son cœur.
Une âme ténébreuse dans une enveloppe de porcelaine…
Jack approcha lentement ses doigts de la peinture et en effleura la surface avec hésitation. Quelques fourmillements parcoururent ses membres, comme autant de petites décharges électriques.  
-                C’est tellement étrange, chuchota-t-il, comme si le souffle lui manquait. Ce portrait… est fascinant… 
Il n’aurait su dire exactement en quoi ce tableau exerçait une attraction sur ses sens, pourtant, il le sentait au fond de lui. Cette peinture avait comme un pouvoir mystérieux qu’elle renfermait au fond de ses entrailles. C’est ce qui la rendait si attrayante, si… belle.
Jack parvint à détacher enfin son regard d’elle et se redressa.
-                Je vais la monter dans ma chambre, annonça-t-elle.
-                Redescendez après, le repas est presque prêt, lui fit remarquer Aron.
-                Pas de problème !

Ils passèrent une soirée agréable au cours de laquelle Jack relata son séjour en France par le menu. Aron l’écouta, désabusé et amusé par ce pèlerinage transformé en séjour gastronomique. Tard dans la nuit, ils discutèrent. Vers minuit, Aron déclara forfait et partit se coucher. Jack en profita pour se balader sur son domaine. D’un pas tranquille, il parcourait l’immense pelouse laissée à l’abandon où se baladaient librement les coyotes les moins farouches du monde. Ils venaient se frotter aux jambes de Jack et quémandaient même des caresses par de petits coups de têtes, ce que le jeune homme leur prodiguait avec le plus grad plaisir.
La fatigue du voyage se faisant tout de même ressentir, Jack finit par lui aussi rendre les armes et capituler. Titubant un peu, il monta lentement les marches pour aller s’écrouler sur son lit. Là, il redressa légèrement la tête et croisa les yeux fauves de son ancêtre. Son souffle se fit inaudible alors qu’il détaillait une nouvelle fois cette magnifique peinture. Ce n’était pourtant qu’un portrait… Alors… Jack se redressa et marcha jusqu’à la toile avant de s’agenouiller devant, comme hypnotisé. De nouveau, il tendit la main et caressa le tableau. Il sembla palpiter sous ses doigts, comme s’il était vivant… Jack écarquilla les yeux. Mais… Il dégageait… de la chaleur ?
-                Qu’est-ce… ? hoqueta-t-il.
-                Je t’y prends, gamin !
-                Quoi ?
Une main surgit de nulle part et se referma sur son poignet. Jack aurait voulu hurler, mais, avant que quelque son ne puisse sortir de ses lèvres, il bascula en avant. 

Marine Lafontaine

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