mercredi 17 août 2016

CARTE 4, LE PIÈGE DE LA COCCINELLE

Bien le bonjour, tout le monde.

On continue notre chevauchée du poétique avec une carte qui m'a bien donné du fil à retordre aujourd'hui. Je vous laisse découvrir le tout sans plus attendre !




J’ahanais, le corps cassé en deux, les mains reposant sur mes genoux. Mes jambes tremblaient, maintenant incapables de me soutenir plus loin. Mes yeux fouillaient les ténèbres environnantes dans le vain espoir d’accrocher autre chose que des ombres. Mais il n’y avait que ça autour de moi, des ombres. Des ombres par milliers qui s’enroulaient autour de mon cou comme des écharpes, des ombres qui se nouaient autour de mes poignets comme des mains pourvues de petits doigts, des ombres qui poissaient mes cheveux, des ombres qui… des ombres… 

Je me redressai dans un pénible effort. Il fallait que je continue à avancer. Si je demeurais sur place, qui sait quelle créature allait me retrouver. Où étaient donc passés tous les autres ? A combien était-on entré dans ce fichu labyrinthe, déjà ? Je n’arrivais plus à m’en rappeler tant mes pensées ne cessaient de s’éparpiller, billes folles libérées de leur fil rompu. Je serrai les dents, maudissant encore une fois Jean qui nous avait tous entrainés dans cette horreur sans nom. Un parc d’attraction itinérant ! Mon œil, oui !

Un piège.

Voilà ce qu’était cet endroit malsain. Un piège ! Et dire qu’on y avait sauté à pieds joints le sourire aux lèvres. Quand on avait vu cet immense corps de coccinelle, évidemment qu’on y était allé, pouffant comme des imbéciles. Il s’agit d’un labyrinthe, qu’il nous avait dit, le gars qui gardait l’entrée. Il fait sombre dedans, vous devriez prendre des lampes torches. Et nous, on lui avait ri en nez pour braver avec stupidité ce qu’on pensait n’être qu’un jeu.

Ah, à la réflexion, c’était réellement un jeu. Mais un jeu dont on était les victimes. Ils devaient bien se marrer, là-haut, en les regardant se débattre dans le noir. Dire qu’elle m’avait paru mignonne de loin, cette attraction ! Une grande carapace dont certains points avaient été soulevés comme des écoutilles de sous-marins. De l’un émergeaient des plantes, d’un autre une gigantesque statue de fourmi toute souriante et, d’un troisième, un télescope pointait fièrement sa tête vers les nues. Le gars de l’entrée leur avait dit qu’il existait une quatrième écoutille, la seule sortie possible du labyrinthe. Si on trouvait le bon escalier, on pourrait alors se rendre sur la carapace de la coccinelle et ainsi s’échapper.

Je me remis rapidement en route. La sortie… Je devais la trouver et vite ! Sinon j’allais devenir folle dans cet environnement étouffant. Les murs étaient chauds et humides sous mes doigts, comme si je me trouvais à l’intérieur d’un être vivant. La peur bouffait mes entrailles et des frissons ne cessaient de danser sur mes os. J’avais été très vite séparée de mes amis. Alors que je marchais, j’avais entendu leurs cris dans le lointain, perdu dans les échos du labyrinthe.

Tandis que je continuai à avancer, je me rendis soudain compte que je pleurais. Mes amis avaient disparu, j’étais isolée, jouet de gars malades qui profitaient de ma faiblesse pour avoir leur dose d’excitation. Depuis combien d’heures j’errais dans ces couloirs sans fin ? La faim et la soif commençaient à me tenailler. J’avais peur de m’assoupir et de me faire dévorer par des créatures lâchées dans les boyaux tortueux de ce piège machiavélique. Je n’aurais jamais cru qu’une simple virée entre amis puisse ainsi virer au cauchemar. J’avais l’impression d’être plongée de force dans un de ces films surréalistes où les pauvres campeurs finissent massacrés par un bûcheron tombé dans la folie.

Non… Je crispai mes poings, le regard noir. Il en était hors de question. J’ai des rêves, tellement d’ambitions que je pourrais me noyer dedans. Je n’allais certainement pas laisser une bande de malades jouer avec moi et me regarder sombrer. Je vais lutter, je vais lutter comme ils n’auront jamais vu quelqu’un lutter. S’ils veulent rire de moi, ils devront attendre, car je vais le trouver, leur escalier et je vais fuir d’ici !

Une petite voix naquit soudain dans mon esprit. Et les autres ? Allais-je les abandonner à leur sort ? J’ignorais s’ils avaient réussi à échapper à tous les pièges de cet endroit maudit. Et même s’ils y avaient survécu, j’ignorais dans quel état ils seraient. Non, non, je ne pouvais me permettre de les prendre avec moi. Assurément, ils seraient blessés et me ralentiraient. Et, cela, c’est la dernière chose que je souhaitais.

Une variation dans l’obscurité attira mon attention. Etait-ce mon imagination ou tout semblait plus… clair ? Avec hâte, je forçais mes jambes fatiguées à accélérer. Mes yeux s’écarquillaient à mesure que les ombres se retiraient de mon environnement, telles des insectes rampants. L’espoir me donna le rouge aux joues. Enfin… enfin ! Je glissai sur une marche humide et m’étalai par terre. Je relevai aussitôt mon corps endolori pour m’élancer vers la sortie. Pas de temps à perdre ! Si je demeurais plus longtemps dans ce trou à rats, j’allais devenir folle !

Je crus entendre des cris autour de moi, comme des sentinelles qui donnent un signal. Le vent s’engouffrait dans cet escalier interminable et tentait de me rejeter dans mon trou. Je luttais de toutes mes forces pour avancer pas après pas. Mon tee-shirt imbibé de sueur était glacé. Je n’avais qu’un seul désir : que tout s’arrête. J’en avais assez ! Je voulais rentrer chez moi ! Pitié, qu’on me laisse rentrer chez moi !

Je parvins enfin au sommet des marches. Autour de moi s’étendait une vaste étendue rouge, piquetée de gigantesques disques noirs. A un certain endroit, le sol s’inclinait en une pente abrupte. J’étais bel et bien sur le toit de cette attraction cauchemardesque. L’espoir me faisait baver, à moins que ce soit ma cavalcade. Je n’arrivais plus à réfléchir, je mettais juste mes pieds l’un devant l’autre.

J’allais enfin être libre.

C’est là que leur chasseur m’a abattue. Je suis tombée dans la poussière qui recouvrait le toit. Mes membres se sont engourdis rapidement. Et j’ai rendu mon dernier souffle.

   Voilà la fin de cette histoire, la mienne.  

Marine Lafontaine

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