On continue notre chevauchée du poétique avec une carte qui m'a bien donné du fil à retordre aujourd'hui. Je vous laisse découvrir le tout sans plus attendre !
J’ahanais, le corps cassé en deux, les
mains reposant sur mes genoux. Mes jambes tremblaient, maintenant incapables de
me soutenir plus loin. Mes yeux fouillaient les ténèbres environnantes dans le
vain espoir d’accrocher autre chose que des ombres. Mais il n’y avait que ça
autour de moi, des ombres. Des ombres par milliers qui s’enroulaient autour de
mon cou comme des écharpes, des ombres qui se nouaient autour de mes poignets
comme des mains pourvues de petits doigts, des ombres qui poissaient mes
cheveux, des ombres qui… des ombres…
Je me redressai dans un pénible effort.
Il fallait que je continue à avancer. Si je demeurais sur place, qui sait
quelle créature allait me retrouver. Où étaient donc passés tous les
autres ? A combien était-on entré dans ce fichu labyrinthe, déjà ? Je
n’arrivais plus à m’en rappeler tant mes pensées ne cessaient de s’éparpiller,
billes folles libérées de leur fil rompu. Je serrai les dents, maudissant
encore une fois Jean qui nous avait tous entrainés dans cette horreur sans nom.
Un parc d’attraction itinérant ! Mon œil, oui !
Un piège.
Voilà ce qu’était cet endroit malsain. Un
piège ! Et dire qu’on y avait sauté à pieds joints le sourire aux lèvres.
Quand on avait vu cet immense corps de coccinelle, évidemment qu’on y était
allé, pouffant comme des imbéciles. Il s’agit d’un labyrinthe, qu’il nous avait
dit, le gars qui gardait l’entrée. Il fait sombre dedans, vous devriez prendre
des lampes torches. Et nous, on lui avait ri en nez pour braver avec stupidité
ce qu’on pensait n’être qu’un jeu.
Ah, à la réflexion, c’était réellement un
jeu. Mais un jeu dont on était les victimes. Ils devaient bien se marrer,
là-haut, en les regardant se débattre dans le noir. Dire qu’elle m’avait paru
mignonne de loin, cette attraction ! Une grande carapace dont certains
points avaient été soulevés comme des écoutilles de sous-marins. De l’un
émergeaient des plantes, d’un autre une gigantesque statue de fourmi toute
souriante et, d’un troisième, un télescope pointait fièrement sa tête vers les
nues. Le gars de l’entrée leur avait dit qu’il existait une quatrième
écoutille, la seule sortie possible du labyrinthe. Si on trouvait le bon
escalier, on pourrait alors se rendre sur la carapace de la coccinelle et ainsi
s’échapper.
Je me remis rapidement en route. La
sortie… Je devais la trouver et vite ! Sinon j’allais devenir folle dans
cet environnement étouffant. Les murs étaient chauds et humides sous mes
doigts, comme si je me trouvais à l’intérieur d’un être vivant. La peur
bouffait mes entrailles et des frissons ne cessaient de danser sur mes os.
J’avais été très vite séparée de mes amis. Alors que je marchais, j’avais
entendu leurs cris dans le lointain, perdu dans les échos du labyrinthe.
Tandis que je continuai à avancer, je me
rendis soudain compte que je pleurais. Mes amis avaient disparu, j’étais
isolée, jouet de gars malades qui profitaient de ma faiblesse pour avoir leur
dose d’excitation. Depuis combien d’heures j’errais dans ces couloirs sans
fin ? La faim et la soif commençaient à me tenailler. J’avais peur de
m’assoupir et de me faire dévorer par des créatures lâchées dans les boyaux
tortueux de ce piège machiavélique. Je n’aurais jamais cru qu’une simple virée
entre amis puisse ainsi virer au cauchemar. J’avais l’impression d’être plongée
de force dans un de ces films surréalistes où les pauvres campeurs finissent
massacrés par un bûcheron tombé dans la folie.
Non… Je crispai mes poings, le
regard noir. Il en était hors de question. J’ai des rêves, tellement
d’ambitions que je pourrais me noyer dedans. Je n’allais certainement pas
laisser une bande de malades jouer avec moi et me regarder sombrer. Je vais
lutter, je vais lutter comme ils n’auront jamais vu quelqu’un lutter. S’ils
veulent rire de moi, ils devront attendre, car je vais le trouver, leur
escalier et je vais fuir d’ici !
Une petite voix naquit soudain dans mon
esprit. Et les autres ? Allais-je les abandonner à leur sort ?
J’ignorais s’ils avaient réussi à échapper à tous les pièges de cet endroit
maudit. Et même s’ils y avaient survécu, j’ignorais dans quel état ils
seraient. Non, non, je ne pouvais me permettre de les prendre avec moi.
Assurément, ils seraient blessés et me ralentiraient. Et, cela, c’est la
dernière chose que je souhaitais.
Une variation dans l’obscurité attira mon
attention. Etait-ce mon imagination ou tout semblait plus… clair ?
Avec hâte, je forçais mes jambes fatiguées à accélérer. Mes yeux
s’écarquillaient à mesure que les ombres se retiraient de mon environnement,
telles des insectes rampants. L’espoir me donna le rouge aux joues. Enfin…
enfin ! Je glissai sur une marche humide et m’étalai par terre. Je relevai
aussitôt mon corps endolori pour m’élancer vers la sortie. Pas de temps à
perdre ! Si je demeurais plus longtemps dans ce trou à rats, j’allais
devenir folle !
Je crus entendre des cris autour de moi,
comme des sentinelles qui donnent un signal. Le vent s’engouffrait dans cet
escalier interminable et tentait de me rejeter dans mon trou. Je luttais de
toutes mes forces pour avancer pas après pas. Mon tee-shirt imbibé de sueur
était glacé. Je n’avais qu’un seul désir : que tout s’arrête. J’en avais assez !
Je voulais rentrer chez moi ! Pitié, qu’on me laisse rentrer chez
moi !
Je parvins enfin au sommet des marches.
Autour de moi s’étendait une vaste étendue rouge, piquetée de gigantesques
disques noirs. A un certain endroit, le sol s’inclinait en une pente abrupte.
J’étais bel et bien sur le toit de cette attraction cauchemardesque. L’espoir
me faisait baver, à moins que ce soit ma cavalcade. Je n’arrivais plus à
réfléchir, je mettais juste mes pieds l’un devant l’autre.
J’allais enfin être libre.
C’est là que leur chasseur m’a abattue.
Je suis tombée dans la poussière qui recouvrait le toit. Mes membres se sont
engourdis rapidement. Et j’ai rendu mon dernier souffle.
Marine Lafontaine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire