lundi 25 mars 2013

CHAPITRE 6

    Hé oui, il s'est fait attendre, mais voilà le chapitre 6 de nos aventures en compagnie de Gilles et Lizzie ! Pour rafraîchir les mémoires, je rappelle que nous avons découvert dans le chapitre précédent que Wait était un imposteur et Gilles le véritable héritier. Quelle donc sordide pièce a été jouée au sein du manoir Phamvarna ? C'est ce que nous allons découvrir en partie avec ce chapitre !
    Ah oui, j'oubliais ! Avant de nous lancer, je voulais vous annoncer que les éditions Robert Laffont m'avait… refusé ! Oui, encore… Dommage, j'adore cette édition, cela aurait été un bonheur d'être prise chez eux. Tant pis, continuons d'espérer ! Fini les bavardages, place à l'écrit ! 



    Au premier coup d’œil, Lizzie comprit qu’elle rêvait. Peut-être parce qu’elle était en chemise de nuit au beau milieu de la forêt et qu’elle ne se rappelait pas comment elle était arrivée là. Elle observa autour d’elle avec inquiétude. Elle pouvait sentir la sensation agréable de la terre humide sous ses pieds. La quiétude qui régnait au cœur de ses arbres apaisa son âme livrée aux interrogations. 
-                Jeune maître ! Jeune maître !
    La jeune fille poussa un soupir agacé. Allons bon, qui venait donc troubler son… Elle aperçut un buisson bouger et une silhouette s’en extirper. Un jeune garçon, vêtu d’un beau costume tâché de terre, jeta un regard par-dessus son épaule, un sourire espiègle sur les lèvres. 
-                On dirait que je l’ai semée…
-                Gilles ! s’étrangla la duchesse.
    L’héritier Phamvarna était méconnaissable ! Ses cheveux, d’un châtain presque brun, atteignaient le creux de ses reins en une longue, longue tresse. Ses yeux bleus riaient, étincelant d’innocence. Autour de son cou pendait un médaillon en forme d’étoile. C’était incontestablement Gilles, mais il était si différent de celui que Lizzie connaissait ! Il lui fallut quelques instants pour mettre le doigt sur ce qui la dérangeait. Pourtant, c’était bien simple… 
Le Gilles en face d’elle souriait.

Elle suivit Gilles à travers les arbres. Le garçon chantonnait une mélodie tout en sautillant entre les arbres, rêveur. Il s’arrêta soudain, comme s’il avait entendu quelque chose. Intriguée, Lizzie tendit l’oreille. Il lui parvint alors une voix… douce, chaude et fluide… Une voix belle et tellement agréable… Quand elle vit son fiancé se diriger vers la source de cette voix, elle réalisa avec horreur quelque chose.
-                Gilles ! Ne va pas par là ! cria-t-elle.
Elle essaya de l’attraper par le coude, mas sa main passa à travers du garçon. Gilles continua son chemin, insensible à sa détresse, inconscient du basculement de son destin. Il cherchait la voix, s’arrêtant de temps à autre pour s’assurait qu’il suivait le bon chemin et reprenait sa marche. Il finit par se figer, attentif, subjugué par cet ton doux et chantant. Il se laissa glisser sur une pierre, comme hypnotisé.
Il lui sembla qu’il ne s’était écoulé que quelques minutes quand la voix se tut. Déçu, il se leva. 
-                Tu as aimé l’histoire ?
Gilles et Lizzie sursautèrent et de se retournèrent. Cette dernière hoqueta. Devant eux se tenait une jeune fille pauvrement vêtu, un livre à la main. Elle était maigre, comme une enfant des rues, mais elle était… attractive. Elle tendit le bouquin à son auditeur.
-                Candide. Belle leçon, non ? “Il faut cultiver notre jardin”.
Gilles, toujours silencieux, baissa la tête vers l’ouvrage puis la releva pour détailler les traits de la lectrice. Elle avait un visage anguleux, creusé, mais doux. Ses yeux brillaient de curiosité. Elle portait sur la tête un chapeau en cuir usé, sans forme. Lizzie se précipita entre les deux protagonistes.
-                Gilles va-t-en ! Cette fille va  te mener à ta perte !
Mais tout cela était inutile. L’histoire était déjà écrite.
Elle ne pouvait plus changer le cours de cette destinée.
-                Tu as une belle voix, complimenta le garçon.
-                Merci, c’est gentil. Je m’appelle Rima Rami, enfin, c’est comme cela que l’on m’appelle en tout cas. Et toi ?
-                Gilles, Gilles Phamvarna.
La jeune fille sursauta violemment. Elle remarqua alors les longs cheveux tressés et le pendentif autour du cou de son interlocuteur, symbole de l’héritier de la famille Phamvarna. De plus, seuls les hommes de caste supérieure étaient autorisés à porter les cheveux aussi longs… 
Et puis, il y avait ces yeux, de ce bleu si intense, hypnotique… On les disait d’une couleur unique, sans pareil, plus belle que n’importe quelle autre.
C’était bien un Phamvarna.  
-                Excusez-moi, mon Seigneur, railla-t-elle, mauvaise. Je ne me serais jamais permise de vous tutoyer si j’avais su plus tôt à qui j’avais à faire.
-                De quoi parles-tu ? Oh… je vois… C’est mon nom, n’est-ce pas ?
Un air déçu, triste même, passa sur le visage du jeune comte. Rima s’en étonna. Mais qu’est-ce que… Elle se sentait presque coupable du visage misérable qu’affichait le garçon.
-                Je suis désolé, s’excusa-t-il finalement. Je vais te laisser.
-                At… Attendez ! l’arrêta Rima en le saisissant par le poignet. 
Elle retira prestement sa main, comme si elle avait peur que le simple fait de toucher l’héritier plaçait son poignet sous une lame. Gilles prit ses doigts et les plaça doucement, mais fermement, contre sa peau.
-                Oui ?
-                Je… Vous… bafouilla la lectrice. Heu… Vous aimez les histoires ?
Le visage de Gilles s’illumina.
-                J’adore ça ! s’exclama-t-il en battant des mains comme un enfant. Je m’échappe souvent du manoir pour pouvoir lire tranquillement !
-                Vous vous… échappez ?
-                Oui. La vie est très agréable là-bas, les domestiques sont vraiment gentils avec mon frère, mes sœurs et moi. Mais j’ai beaucoup de responsabilités, aussi… C’est un peu pesant à force, ria-t-il nerveusement. Je suis l’héritier Phamvarna, après tout ! Mais, quand je lis, là, je suis Gilles et seulement Gilles.
“C’est parfois plus facile de se confier à une inconnue qu’à une amie”, songea Lizzie avec un petit sourire. Un appel fit sursauta les trois protagonistes.
-                Jeune Maître ! Jeune Maître Gilles !
L’intéressé prit un air embêté.
-                C’est ma nourrice, confia-t-il. Il faut que j’y aille.
-                Au revoir, Seigneur, s’inclina légèrement Rima.
-                Au revoir, Rima ! J’ai été ravi de faire ta connaissance et, qui sait, peut-être pourra-t-on se revoir.
Rima ne répondit pas, muette de stupéfaction. Un sourire de loup finit par étirer ses lèvres alors que la silhouette de l’héritier disparaissait entre les arbres. Elle tourna les talons et s’enfonça dans la forêt. Après quelques hésitations, Lizzie choisit de la suivre.

-                Un Phamvarna ?
-                Ouais, confirma Rima, les mains enfoncées dans les poches de son manteau. T’imagines tout l’argent qu’on peut se faire ? Ce Gilles est un blanc bec doublé d’un naïf. Je n’aurai aucun mal à l’embobiner.
-                C’est une bonne idée, approuva Wait d’un air carnassier. Ça vous dit, vous autres ?
-                Ouais !
Lizzie avait d’abord eu du mal à le reconnaître. Plus mince, d’une saleté repoussante, il abordait un crâne pratiquement rasé, sûrement pour éviter que des poux ne viennent s’y loger. La duchesse observa autour d’elle, curieuse. Ils se trouvaient dans une ancienne bibliothèque, visiblement abandonnée. Des tables aux pieds pourris semblaient sur le poids de s’effondrer, des étagères éventrées avaient cédé sous le poids trop lourd de leurs entrailles qui étaient maintenant répandues sur le sol, amalgame de papier et d’encre. Lizzie continua son exploration en examinant les personnes qui entouraient Wait. Elle reconnut sans peine Léna et son air hautain. Toboré était très facilement identifiable également avec son visage rougi par l’alcool. Par contre, il y avait un petit garçon parmi eux, à peine âgé d’une douzaine d’années. Elle ne se souvenait pas de l’avoir vu au manoir… Il prit soudainement la parole : 
-                Les Phamvarna ne sont pas de mauvaises personnes !
-                La ferme ! le rembarra Wait sans ménagement. Ce ne sont que des pourris gâtés qui se prélassent dans leur manoir avec leurs serviteurs pendant que nous on crève la dalle ! Et pourquoi donc ? Le sang, la naissance, voilà pourquoi !
-                Mais… 
Wait sauta à terre, l’air mauvais, appréciant peu qu’on le contredise. Personne ne fit mine de venir en aide à cet enfant qui tremblait maintenant de peur. Lizzie, pétrifiée, le vit le saisir par le col.
-                Tu devrais pourtant comprendre, toi aussi, qu’il y a certaines différences qu’on ne peut combler. De part la naissance, nous possédons un certain statut qui nous enchaîne à une condition. La nôtre est d’être des miséreux tout juste bon à servir de paillasson à ces enflures de riches ! Alors il est normal qu’on fasse pencher la balance de temps à autre, tu ne crois pas ?
Son vis-à-vis choisit prudemment de ne pas répondre et il fit bien. Wait, après une dernière grimace, le relâcha brutalement. Il se tourna vivement vers Rima. 
-                Tu sais ce qu’il te reste à faire.

Le lendemain, Lizzie repartit avec Rima dans la forêt dans l’espoir de revoir Gilles. La lectrice s’assit au même endroit que la veille, mais elle n’eut même pas le temps d’ouvrir le livre qu’une silhouette sautait d’un arbre ! Elle se reçut souplement sur ses pieds, un grand sourire aux lèvres. 
-                Salut, Rima ! Tu lis quoi, aujourd’hui ? l’interrogea Gilles avec curiosité.
La jeune fille lui offrit son sourire le plus hypocrite. Elle dénota sa belle tenue et serra les dents. Dieu qu’elle haïssait ces riches !
-                Vous vous êtes encore enfuis ?
L’héritier haussa les épaules avec désinvolture.
-                Si cela peut attirer l’attention de mes parents, éluda-t-il.
Rima n’insista pas. Gilles l’observait avec attention et attendait, impatient, qu’elle commence sa lecture. Doucement, la voix de la jeune fille s’éleva. Elle se surprit à aimer lire pour cet auditeur si attentif et si passionné. Gilles était tellement concentré que rien ne semblait pouvoir le troubler. Seule la voix comptait… 
-                Comme celle d’une sirène, murmura Lizzie pour elle-même, impuissante.
La lectrice s’interrompit soudainement pour dévisager l’héritier.
-                Qu’est-ce qu’il y a ? voulut savoir Gilles, déçu qu’elle s’interrompt. Et qu’arrive-t-il après au héros ?
-                Heu… je… Je voulais m’excuser de mon comportement de la veille. Il était très déplacé. Je vous ai repoussé alors que vous n’aviez rien fait de mal. Ai-je votre pardon ?
-                Non, pas tant que tu me vouvoieras !
-                Hé bien, comme vo… tu voudras, Gilles.
-                Merci, Rima !
Son sourire était sincère qu’il fit oublier un moment à Lizzie vers quelle situation cette rencontre allait mener. Elle se mordit la lèvre inférieure, furieuse de sa propre impuissance. Rima et Gilles s’étaient mis à bavarder gaiement. La duchesse reporta son attention sur eux, surprise. La lectrice semblait si détendue… On voyait clairement qu’elle prenait plaisir à parler avec l’héritier. Comment une amitié, pourtant bien démarrée, s’était-elle changée en haine ?
La voix de la veille leur parvint soudainement.
-                Jeune Maître Gilles !
-                Déjà, ronchonna l’intéressé. Désolé, Rima, je vais devoir y aller…
Alors que les appels se rapprochaient, Rima agit presque instinctivement, son corps agit avant sa tête.
-                Reste, s’il te plaît !
L’héritier la dévisagea sans comprendre. Lizzie, elle, passa une main sur son visage, désespérée. Gêné par cette demande inattendue, Gilles hésita avant de lâcher son approbation. Ils se turent le temps que les appels s’éloignent. Puis la conversation reprit comme si de rien n’était et dura jusqu’à tard dans la nuit. Tous deux se séparèrent à contre cœur et se fixèrent un nouveau rendez-vous pour dans le courant de la semaine. Lizzie, cette fois-ci, décida de suivre son fiancé.

Si Lizzie attendait avec impatience à quoi ressemblait le domaine Phamvarna, elle ne fut guère déçue. Le bâtiment était… magnifique. Trapu, il était rehaussé de délicates fenêtres en vitrail et ceint de haies mouchetées de roses blanches, reprenant la teinte éclatante des murs qui contrastait avec la noirceur des tuiles. Gilles ouvrit la porte doucement et jeta un coup d’œil dans le hall d’entrée vide de toute présence. La voie était libre ! le garçon s’élança dans les couloirs, un grand sourire aux lèvres. Lizzie, surprise par ce brusque départ, se mit à courir à son tour pour ne pas se laisser distancer. Ses yeux s’écarquillèrent alors qu’elle reconnaissait les lieux au fur et à mesure de leur course. Gilles s’engouffra soudainement dans une pièce et referma la porte derrière lui. Il tourna alors sur lui-même en riant, sa tresse volant autour de sa tête. Il sautilla jusqu’à un tableau devant lequel il s’inclina respectueusement. Lizzie, curieuse, s’en approcha. La surprise lui coupa le souffle. Il s’agissait d’un portait… Elle s’en souvenait encore… Les longues heures de pose qu’elle avait détesté de tous les pores de son être.   
-                Mademoiselle, la salua Gilles ironiquement. Hé, tu as vu ! Elle était là !
-                Gilles…
-                C’est une fille chouette, Rima ! Je pense qu’on va devenir bons amis. Mais n’oublie pas ! C’est un secret ! ajouta-t-il avec un clin d’œil en posant un doigt sur ses lèvres.
-                Gilles ! appela soudain une voix. C’est l’heure !
-                J’arrive, Holly !
Gilles prit le temps de se changer avant de filer. Il descendit l’escalier en glissant sur la rampe et sauta à terre. Holly fronça les sourcils, faussement sévère.
-                Allons, jeune homme ! Vous êtes en retard !
-                Mais ce n’est même pas la peine de s’exercer ! protesta Gilles. Tu es tellement douée que toute répétition s’avère inutile !
-                Si les parents viennent, c’est essentiellement pour te voir, toi, leur héritier, lui rappela doucement son aînée.
Le visage de son frère se ferma. Lizzie vit Holly poser ses deux mains blanches sur les épaules de son benjamin comme pour le réconforter. Elle respirait le calme et la dignité. Sa maladie l’avait donc tant changée ?
Lizzie les suivit dans un salon chargé de tentures. Assise près d’un piano, les jumeaux jouaient un morceau ensemble. La mélodie, complexe et rythmée, ravit Gilles qui applaudit sans retenue, une fois les deux musiciens levés. Les quatre enfants Phamvarna se mirent à discuter sans tabous, calmes, tranquilles et enjoués. Une scène de famille croquée au fusain, aquarellée avec tendresse et délicatesse. La duchesse, le cœur serré, se recula. Elle avait l’impression d’espionner, d’être un vulgaire voyeur. Quand tout cela se terminerait-il ? Quand pourrait-elle enfin se réveiller ? Alors que la musique s’élevait de nouveau, une lumière jaillit et éblouit Lizzie. Quand elle put de nouveau voir ce qui se passait autour d’elle, elle constata avec stupéfaction qu’elle était de nouveau dans la bibliothèque abandonnée. 
-                Alors, que décides-tu ? demanda une voix avec une certaine agressivité.
Inquiète, la duchesse s’empressa de trouver la source de cette tension. Elle tomba sur Rima, face à face avec l’enfant qui avait osé défier Wait, auparavant. La jeune femme émit un drôle de rictus.
-                Je relance, décida-t-elle.
Elle piocha quelques pièces dans sa bourse qu’elle déposa avec d’autres au centre d’un livre qui leur servait de tapis de jeu.
-                Pas mal, admit son adversaire. Mais… 
-                Ne me dis pas que tu as encore gagné !
-                Et si !
-                Kanvre, tu es un tricheur !
-                Mauvaise perdante !
Kanvre accompagna sa réplique par un petit bout de langue rose qui vint pendre hors de ses lèvres, ce qui alimenta la colère de Rima. Le gagnant s’apprêtait à empocher la mise quand un hululement de chouette leur parvint soudain. Kanvre pâlit et coula un drôle de regard à Rima.
-                Heu… Ça, ça doit être une chouette blessée ! Je vais voir !
Il se leva si précipitamment qu’il en oublia son argent ! Rima haussa les épaules. Comme si une chouette pouvait émettre un tel son… 
-                Wait, je sors, indiqua-t-elle en coinçant un livre sous son bras.
L’intéressé ne répondit pas, absorbé par quelque tâche. La lectrice quitta leur refuge et se dirigea d’un pas tranquille vers la forêt. Dans les ruelles mal famées de la cité, elle croisa quelques gamins pouilleux qui couraient se réfugier dans les pattes de leurs mères alors que des hommes venaient caresser leurs seins. Rima les ignora, son chapeau enfoncé sur sa tête. Elle aurait fini comme ça si Wait ne l’avait pas pris sous son aile, il y a de ça maintenant cinq ans… Elle lui devait la vie.
Elle gagna le couvert des arbres avec soulagement. La tranquillité de ce lieu l’apaisait. Pourtant, aujourd’hui, il y régnait une tension à couper au couteau…  Intriguée, Rima s’arrêta. Qu’est-ce que… Elle tendit l’oreille, interloquée. C’est alors qu’elle perçut de faibles sanglots entre les arbres. Rima se tendit. Elle connaissait cette voix… Elle lâcha son livre alors qu’elle se mettait à courir.  
-                Gilles ! s’époumona-t-elle. 
Lizzie, tout aussi inquiète, s’empressa de la suivre à toute vitesse. Elles débouchèrent sur une clairière où elles trouvèrent l’héritier assis dans la poussière, vêtu d’un costume déchiré. Ses cheveux étaient défaits et il tenait entre ses mains jointes son médaillon, tête basse, les épaules secouées de sanglots. Lizzie ne comprenait pas… Qu’était-il arrivé au jeune garçon ? Rima sembla hésiter.
-                G… Gilles ? finit-elle par l’appeler tout doucement.
L’intéressé sembla prendre brusquement conscience de sa présence et se redressa vivement, le feu aux joues, honteux d’avoir été surpris dans une telle position de faiblesse.
-                Bon… Bonjour, Rima ! la salua-t-il avec empressement. Comment vas-tu ?
Il réajusta maladroitement sa tenue, tâchant d’avoir l’air un peu plus présentable. Rima s’avança.
-                Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-elle vivement ? Quelque chose est arrivé ?
-                Oh, ce n’est rien, une chute ! lui assura-t-il.
-                 Tu saignes… 
En effet, une tâche sombre avait fleuri sur le costume du jeune homme. L’héritier posa une main sur son bras et le serra, espérant ainsi bloquer ses tremblements.
-                Je suis juste tombé de l’arbre, souffla-t-il, le regard fuyant.
-                Tu mens !
Le garçon sursauta devant la violence du ton de Rima. Un rictus nerveux joua sur ses lèvres alors que son regard se faisait lointain, désormais.
-                Je ne vois pas de quoi tu parles, je suis juste tombé. Oui, je suis juste tombé… 
Rima avait déjà eu à faire à des traumatismes. Des gamins violés, elle en avait déjà rencontré dans sa vie, des femmes battues, des témoins de mort violente… Elle savait que, dans ces cas-là, mieux ne valait pas brusquer le sujet au trauma. Alors, doucement, mais fermement, elle attira Gilles dans ses bras. Ce dernier sursauta et leva un regard étonné sur elle.
-                Rima ?
-                Qui t’as fait ça ? Tu peux me le dire, tu sais… 
Gilles voulut se dégager, mais Rima le tenait fermement entre ses bras. Elle le sentait trembler contre lui et resserra son étreinte. Doucement, alors, le garçon se mit à parler.
-                Mes parents… devaient venir exceptionnellement nous rendre visite au manoir… puisqu’ils ne vivent pas avec nous… préférant leur résidence secondaire à leurs propres enfants… 
-                Et ils ont annulé ? l’encouragea gentiment la jeune femme.
Gilles eut un rire nerveux.
-                Non, ça c’était la dernière fois… Mais… quand j’ai voulu prendre mes parents dans mes bras… Ils m’ont repoussé. Mon père s’est mis à crier parce qu’il trouvait mon comportement indigne d’un héritier et ma mère m’a giflé… 
-                Quoi ?
-                Avec mes sœurs et mon frère, nous leur avions organisé une représentation musicale, mais ils ont refusé de l’écouter. Mes sœurs sont restées très dignes, mais Black, mon frère, n’a pas pu s’empêcher de leur dire sa façon de penser… et c’est sur moi que c’est retombé.
-                Il faut te soigner !
-                Non… c’est bon… L’habitude.
Lizzie aurait tant aimé pouvoir changer la suite des évènements. Elle vit Rima chuchotait quelque parole à l’oreille de celui qu’elle était censée détruire avant de se pencher sur lui et d’effleurer ses lèvres des siennes. Elle détourna les yeux, impuissante, se sentant terriblement faible. Mais cette scène n’appartenait qu’à eux deux… Elle s’éloigna entre les arbres, méditant sur le sens de tout cela, sur le sens de cet étrange rêve, déchirée entre le désir de s’enfuir et celui de demeurer spectatrice jusqu’au bout.
Un craquement sec la fit sursauter et elle redressa vivement la tête. Elle reconnut alors une imposante silhouette qui se découpait entre les arbres.  
-                Gilles ! rugit-elle d’une voix de stentor.
-                Le seigneur Phamvarna, déglutit péniblement Lizzie. Oh, Gilles…
Elle courut dans la direction des deux amants qui, eux aussi, avaient entendu la voix. L’héritier, aussi pâle qu’un fantôme, se détacha à contre cœur de Rima.  
-                C’est mon père, je dois y aller… 
Rima approuva silencieusement, sachant qu’ils ne pouvaient lutter contre un tel homme. Gilles commençait à s’éloigner quand il sembla hésiter. Il fit brusquement volte face pour arracher un dernier baiser à Rima. Il se sentit rougir, surpris par sa propre audace et fuit sans laisser le temps à la jeune femme de réagir. Mûe par quelque instinct, la lectrice lui emboîta discrètement le pas. Dissimulée par le rideau de verdure, elle observa Gilles courber l’échine devant un homme à la carrure impressionnante. Le premier coup qu’il donna envoya son fils à terre. Rima retint difficilement un cri de colère et de stupeur. Elle voulut intervenir, mais une main la saisit par le poignet pour l’obliger à demeurer cacher. 
-                Ne fais pas ça, chuchota Kanvre près d’elle sans quitter le père des yeux. Il ne le battrait que plus fort… 
-                Kanvre, s’étrangla Rima, mais… 
-                Viens, partons… Il ne faut jamais se mêler des affaires familiales des Phamvarna, je l’ai promis à Holly… 
-                Holly ? Mais… 
-                Viens, je t’expliquerai tout à la bibliothèque.
Rima fut obligée de le suivre, mais jetait fréquemment des coups d’œil par-dessus son épaule. Lizzie, elle, ne parvenait à détacher son regard du corps recroquevillé de son fiancé, choquée par cet acte de violence. Jamais… Jamais ses parents n’avaient levé la main sur elle. Ils s’étaient parfois montré injustes ou égoïstes, mais ils n’avaient jamais fait montre de violence envers elle !
Les larmes aux yeux, elle se détourna de ce pitoyable spectacle et s’empressa de suivre Kanvre et Rima.  

La suite, la prochaine fois ! Merci à tous pour vos visites de plus en plus nombreuses, cela me fait énormément plaisir ! Continuez de me lire, s'il vous plaît ! Je vous promets toujours de meilleurs articles ! 
 J'en profite pour rappeler que le concours “A vous la suite !” va bientôt être lancé ! Attendez l'évènement avec impatience, s'il vous plaît !
A très bientôt ! 

Marine Lafontaine

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