jeudi 6 août 2015

FANFICTION LORENZACCIO

Bien le bonjour.

Aujourd'hui, voici une petite fanfiction sur une de mes pièces favorites, j'ai nommé Lorenzaccio, d'Alfred de Musset (ça compte comme une disclame ou pas ?) !


Fanfiction basée sur Lorenzaccio, à ne pas lire si vous ne connaissez pas la pièce, au risque de vous faire spoiler.

Alexandre vient de tomber dans le piège de Lorenzo et s’est rendu dans une chambre où il pense être attendu par Catherine, la tante de son cousin. Il s’est couché dans le noir et attend maintenant la venue de la jeune femme…


Histoire racontée du point de vue de Lorenzo

J’ai refermé la porte derrière moi et je me suis appuyé contre le battant, le cœur tambourinant à toute allure dans ma poitrine. J’étais même surpris de ne pas le sentir se cogner contre les os de ma cage thoracique. L’heure venait… L’heure se tenait face à moi, drapée de sa grande cape mortuaire et de son sourire enchanteur. On aurait dit un lutin aux cent farces qui se rit de la faiblesse dans mes jambes. Ah, oui, je suis faible. Faible de corps et d’esprit, mais c’est tout ce que je possède.

Et ce simple fait me procure toute la force dont je puisse avoir besoin.

Je fis signe à Sconronconcolo de demeurer à sa place quand il fit mine d’approcher. Juste un peu… Je veux juste un peu de temps.

Me redressant, je tournai sur moi-même pour enfin faire face à la porte. Le son affolé de mon cœur n’était plus qu’un bruit sourd, lointain et diffus. Ma gorge était sèche… Jamais je n’avais autant désiré tremper mes lèvres dans un verre de vin. Ma langue, contre mes dents, pesait lourd, comme si elle était lestée de plomb. J’avais l’impression de porter un poids mort dans ma bouche, un poids mort qui m’empêchait de prononcer le moindre mot. Quelle ironie ! Et moi qu’on disait armé d’une langue acérée, me voilà bien stupide, habité par cette inertie de mort roide, alors que je me tiens là, devant ce simple bout de bois.

Je fermai un court instant les yeux, souhaitant m’immerger dans le monde clos qui vit derrière mes paupières. Ah… Notre première rencontre me revint. Il se tenait là, le torse bombé, vêtu de vêtements richement décorés. Loin d’être pompeuse ou étouffante, l’étoffe lui allait à ravir. Un sourire arrogant ornait ses lèvres rendues cramoisies par le vin. Il avait cette haleine lourde qui vit dans la bouche de ceux du pouvoir et qui aiment en user. Quand je l’ai vu, j’ai senti un tremblement se produire dans le fond de mes entrailles. Ce frisson est remonté dans mes organes et a couru dans mes os. Il était le signe que j’attendais depuis tant d’années. Il était le tyran obscène et dangereux que j’avais toujours guetté depuis le haut de ma tour d’ivoire, moi, le petit homme de plomb, la statue de fer blanc.

Tu es le tyran, je suis l’assassin. Tu es le dragon noir, je suis le chevalier blanc. Tout du moins, c’est ce que je me suis plu à penser… 

Mais il est apparu que je ne pouvais t’atteindre depuis la cime de mon perchoir ridicule. Mes flèches et mes javelots n’y changeaient rien, tu ne les remarquais même pas. Il fallait que je me rapproche, que je ne te laisse pas d’espace entre mon arme et ton cœur. J’ai entrepris alors la lente descente des marches de ma tour. A chaque palier, le vin engourdissait un peu plus mon esprit et entamait, entachait, même, tout ce que j’avais cru véritable, inébranlable. Peu à peu, alors que les mains des filles s’amusaient à redessiner ce corps malingre, je délestais mon armure. Quelle protection encombrante ! Qu’elle était désuète. Celle d’Alexandre est tellement plus belle, tellement plus solide. Alors j’ai enlevé le plastron, les cubitières, les jambières et même le heaume. 

C’est enveloppé d’écailles que j’ai enfin atteint Alexandre. Nous nous sommes tenus en face de l’autre, surpris par nos similitudes. J’ai alors compris que pour le tuer, j’avais adhéré corps et âme à tout ce que j’abhorrais. En acceptant ce carcan d’écailles, cette nouvelle image, je suis moi-même devenu un vulgaire lézard à la langue fourchue, aux yeux luisants et aux griffes tranchantes.

Et je n’aurais jamais cru que cela aurait pu être aussi plaisant…

-       Je t’aime autant que je te hais, Alexandre… 
J’avais murmuré cette phrase comme si je lui accordais mon ultime bénédiction, mon ultime malédiction. Mon cœur avait cessé de jouer comme un fou et diffusait maintenant un son d’une lenteur incroyable, au point que je crus pendant un instant qu’il avait tout simplement cessé de battre. Je poussai doucement le battant de la porte. Qu’il faisait froid dans cette chambre… Y aurait-on suspendu le temps ? Je devinais, malgré le noir, la silhouette d’Alexandre qui était allongée entre les draps.
-       Seigneur, appelai-je doucement. Dormez-vous ?
Il remua faiblement. Cette vue relança les battements effrénés de mon cœur. J’assurai la prise que j’avais sur mon arme, le souffle coupé involontairement. Ses yeux me cherchèrent parmi les ombres environnantes.
-       Renzo, c’est toi ? chuchota-t-il d’une voix hésitante.
Vraiment… Quel étrange sortilège m’a-t-il jeté là. Le dégoût et la tendresse ont fusionné en un seul sentiment doux-amer.
-       Seigneur, n’en doutez pas.
Je levai mon bras armé.


Marine Lafontaine

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